Gaëlle Bourges
A l’oeil nu
Gaëlle Bourges met en scène des images puisées dans l’histoire de l’art, entremêlant danse, chant et récit. Avec elle, on (re)visite la grotte de Lascaux ou reconsidère le corps féminin grâce à la peinture. A rebours de tout académisme, elle montre des corps à la marge, des mouvements inédits. Rencontre avec une artiste qui déconstruit les clichés.
Gaëlle Bourges a toujours su qu’elle voulait être chorégraphe. « Petite, je forçais mes camarades à monter des spectacles. On faisait payer les adultes pour s’acheter des bonbons ! » rit-t-elle. Lycéenne, elle découvre au musée « un lieu calme dans lequel [elle] se [sent] bien ». C’est le déclic. Toiles, fresques, tapisseries… les « images immobiles » de l’art occidental deviennent dès lors matière à danser. Dans ses pièces, les interprètes prennent la pose pour reconstituer des fragments d’oeuvres, tandis que la voix de Gaëlle résonne de descriptions en digressions, entre histoires intimes et contes mythologiques.
Strip-tease
Avant cela, la native de Boulogne- Billancourt a exercé mille métiers, travaillant un temps dans un théâtre érotique. Ce fut son premier terrain d’observation de nos fantasmes. Depuis, elle interroge notre regard sur les nus féminins. Elle cherche à « constituer une communauté qui décloisonne autant le milieu du sexe que celui du spectacle vivant ». Un souhait qu’elle concrétise notamment avec Je baise les yeux, conférence-spectacle sur le striptease. Citons encore A mon seul désir (2014), où la tapisserie Renaissance La Dame à la licorne offre une représentation de la virginité.
Pour Le Bain, sa nouvelle création, celle qui « ne s’interdit rien » conçoit pour la première fois une pièce tout public, en écrivant à hauteur d’enfant. Celle-ci s’appuie sur deux tableaux du xvie siècle : Diane au bain (École de Fontainebleau, d’après François Clouet) et Suzanne au bain (signé du Tintoret et conservé au Louvre-Lens). Dans le premier, la déesse de la chasse transforme en cerf un voyeur. Dans le second, deux vieillards épient une femme en pleine toilette. Sur le plateau, Gaëlle Bourges raconte et décrit ces toiles tandis que trois performeuses les “rejouent” avec des poupées, de l’eau, des figurines… On parie qu’en sortant, on n’entrera plus au musée de la même façon.