Reda Kateb
La force tranquille
Depuis Un prophète, on n’arrête plus Reda Kateb ! Césarisé cette année pour Hippocrate, on l’a aussi vu dans Lost River de Ryan Gosling. 2016 s’annonce du même cru. Avec Gilles Bannier d’abord, qui le révéla à l’écran avec la série Engrenages. Dans Arrêtez-moi là, adapté du roman de Iain Levison, il incarne Samson, un chauffeur de taxi accusé à tort de l’enlèvement d’une fillette. Ce même mois de janvier, il apparaît sous les traits d’un humanitaire borderline aux côtés de Vincent Lindon (Les Chevaliers blancs). Entre deux projets, ils se pose avec nous pour dévoiler son parcours, sa méthode de travail et son prochain film.
Comment avez-vous débuté ? J’ai commencé enfant avec mon père qui était surtout un acteur de théâtre. Il fut sûrement mon seul professeur. J’avais huit ans lorsque j’ai joué dans ma première pièce, qui s’appelait Ressac, écrite par l’un de ses amis.
Pas de formation spécifique donc… J’ai tout de même suivi des cours au lycée, dans des ateliers à Ivry où j’habitais à l’époque… Mais pas de conservatoire national ni de cours Florent. Ma formation ressemble un peu à celle des métiers du cirque : selon un mode familial et sur le terrain. On montait nous-mêmes des spectacles pour grimper sur scène.
Comment choisissez-vous vos films ? J’essaie de me laisser surprendre avec des personnages toujours différents. Je dois aussi me sentir en accord avec ce que le film raconte. C’est assez instinctif. Si j’ai un coup de cœur pour un scénario, je cherche à rencontrer le réalisateur ou la réalisatrice.
Comment composez-vous vos rôles ? Je n’ai pas vraiment de méthode, plutôt une technique différente pour chaque film. Généralement j’aborde mes personnages sans chercher à charpenter précisément leur parcours. Je prévois une base puis me laisse surprendre par le tournage, beaucoup de choses naissent à ce moment-là. Il s’agit presque d’un partenariat avec le réalisateur.
Vous auriez pu rester enfermé dans le rôle du « voyou » après la série Engrenages, Un prophète, etc. Avez-vous rejeté beaucoup de propositions du même genre ? Oui, énormément, mais en même temps je ne cherche pas non plus à jouer des personnages vertueux. Le problème c’est que, souvent, les rôles de voyou sont mal écrits ou inventés par des gens qui ne connaissent pas la réalité de ce milieu. Cela dit, je ne m’interdis pas d’y revenir un jour si le film est prometteur.
En quoi le scénario d’Arrêtez-moi là vous a-t-il séduit ? Au-delà de la narration et de cette histoire d’erreur judiciaire, j’aime beaucoup le point de vue de Gilles Bannier. La poésie du personnage, son rapport à la nature, ces petites touches qui le font sortir des clichés propres à ce genre de film. Et puis j’ai été très touché par la troisième partie du récit, la résilience du héros. C’est un personnage qui évolue.
Comment avez-vous composé le rôle de Samson, qui est très doux, calme ? J’y ai insufflé mon rythme naturel. Gilles Bannier a écrit le rôle en pensant à moi, je n’ai donc pas eu un grand travail de composition, plutôt à m’accorder avec l’image qu’il a transposée de moi sur ce personnage.
Dans Arrêtez-moi là vous retrouvez donc Gilles Bannier, le premier à vous avoir porté à l’écran avec Engrenages…Oui, c’est une très belle rencontre, humaine et artistique. Après Engrenages on avait envie de refaire quelque-chose ensemble. C’était cohérent de tourner dans son premier film d’auteur, car j’ai obtenu mon premier rôle important à l’image grâce à lui.
Comme Mathieu Amalric, vous faites partie des acteurs français repérés aux Etats-Unis. Comment l’expliquez-vous ? En grande partie grâce à Un prophète. Ce premier film dans lequel j’ai joué en 2009 a beaucoup voyagé et a été très apprécié. C’est une grande chance. Et puis j’ai pris des cours d’anglais et choisi, aussi, de travailler avec une agente anglophone qui a des relations à l’étranger. Sans oublier quelques belles rencontres. Je n’étais pas du tout certain d’y arriver.
Quel serait votre modèle en termes d’acteur ? Je n’ai pas de références, j’essaie de suivre mon propre chemin. Il y a bien sûr des acteurs que j’admire. Vous parliez de Mathieu Amalric, c’est quelqu’un pour qui j’ai beaucoup d’estime.
J’ai lu que vous aimiez beaucoup Harvey Keitel… Enormément ! Je l’apprécie depuis longtemps et j’aimerais le voir plus souvent au cinéma.
Avec quel réalisateur rêveriez-vous de tourner ? Je n’entretiens pas de rêves de ce genre. J’ai la chance de tourner avec des metteurs en scène qui me semblaient intouchables. Alors, je vis l’instant présent, je travaille et reste attentif aux rencontres. En ce moment je me consacre au rôle que je vais interpréter en février.
Pouvez-vous nous en dire plus ? Je vais jouer le rôle de Django Reinhardt, mais ça ne sera pas un biopic. Le film sera réalisé par Étienne Comar qui avait écrit le scénario de Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois.
Vous avez réalisé un court-métrage récemment, Pitchoune*. De quoi s’agit-il ? C’est l’histoire d’un chemin qui se sépare en deux. Celle de deux frères qui font des animations pour les enfants et qui sont envoyés au salon du camping-car pour s’occuper de la halte-garderie. L’un des deux frères (moi) a décidé d’arrêter et l’autre veut continuer.
Est-ce inspiré de votre vie ? Oui, en partie. à un moment, j’ai animé des anniversaires pour les enfants. Il y a quelque chose de tragi-comique dans cette fonction du clown. J’avais envie de m’y intéresser depuis longtemps. Le décor, les costumes et la pratique sentent donc le vécu, seule l’histoire des deux frères est fictive. Pour l’instant, je n’en ai pas d’autres à raconter, mais j’ai très envie de renouveler l’expérience.
*Diffusé le 16 décembre dernier sur Canal+ en ouverture de La nuit la plus courts.
Arrêtez-moi là, de Gilles Bannier, avec Reda Kateb, Léa Drucker, Gilles Cohen… Sortie le 06.01
Les Chevaliers blancs, de Joachim Lafosse, avec Vincent Lindon, Louise Bourgoin, Valérie Donzelli, Reda Kateb… Sortie le 20.01