JonOne
Colore le monde
De la rue aux galeries d’art… jusqu’au Palais Bourbon ! Voici résumé le parcours de JonOne (prononcez « Djonouane »). Entre les deux, il est question de graffiti, de joie et de couleurs, comme en témoigne cette exposition lilloise. Rencontre avec un pionnier du street art, devenu l’un des peintres les plus respectés de sa génération.
A bien y regarder, John Andrew Perello ne pouvait pas… ne pas devenir JonOne. Né à New- York au début des années 1960, cet Américain d’origine dominicaine grandit dans le ghetto, à Harlem. « J’en garde un souvenir très “no future”, fait de tristesse et de dépression… je ne voyais pas comment m’en sortir », raconte l’artiste aujourd’hui âgé de 52 ans. Sa chance ? Celle d’avoir vu le jour dans le « berceau du graffiti », qui explose ici dans les années 1970. « La seule chose qui me permettait d’échapper à mon quotidien, c’était la peinture. Il y avait des tags et des graffs partout dans la rue ! J’y ai trouvé de la beauté, de la poésie ». Il a 17 ans lorsqu’il fait ses classes comme bien d’autres en « bombant » la nuit son quartier, les rames du métro… « J’écrivais mon nom partout, c’était ma manière d’exister dans cette jungle de ciment ».
Free-style – Au fil des rencontres il choisit de quitter les états-Unis pour Paris en 1987. Et s’installera définitivement en France. « J’aime ce pays, dit-il. Les gens y sont très réceptifs à l’art… et puis, aussi, parce que je suis tombé amoureux d’une fille », sourit-il. Débute alors une nouvelle conquête pour cet autodidacte : celle de la toile. JonOne reste l’un des premiers graffeurs à inviter l’art de la rue au musée. « Pas pour l’argent, plutôt à cause de cette angoisse de voir mon travail disparaître. Dans la rue, on peignait sur mes oeuvres ! Ça m’a toujours dérangé : si mon travail est bon, pourquoi l’effacer ou le recouvrir ? Il fallait que je laisse une trace car ma génération avait quelque chose à dire ».
Son style reprend ainsi la liberté créatrice (« le free-style ») et les codes du street art tout en les sublimant. Ce qui saute d’abord aux yeux, c’est cette palette de couleurs vives (en opposition à la grisaille du ghetto) orchestrée comme une symphonie emplissant le tableau. Elle est la traduction de son « énergie » et de son vécu. JonOne veut exprimer « la joie, mais aussi la fragilité et l’urgence de la vie ». Ses compositions, faites de répétitions de motifs qui s’entrelacent avec harmonie, s’inspirent du mouvement propre au hip-hop et notamment celui du breakdance.
The Message – Une patte que l’on retrouve dans sa dernière série, The power of the Benjamins, présentée à la New Square Gallery de Lille – avec cette évolution : l’utilisation des espaces blancs. I l y détourne le billet de 100 dollars pour livrer une critique du marché de l’art qui, selon lui, dissout la valeur artistique dans le fric. Son travail lui a pourtant offert une reconnaissance internationale – ses toiles s’achètent des dizaines de milliers d’euros – l’amenant jusqu’au Palais Bourbon ! Dans le Salon des Mariannes trône en effet depuis janvier 2015 sa réinterprétation de La Liberté guidant le peuple de Delacroix. Intitulée Liberté, égalité, Fraternité, l’oeuvre lui a été commandée par l’Assemblée nationale en quête d’une pièce alliant tradition et modernité. « Mais cette peinture a pour moi une plus haute dimension : elle représente aussi cette bataille pour la liberté à laquelle se livrent beaucoup de pays. C’est un message universel ». Qui prend encore plus de sens aujourd’hui…
Site internet : http://www.newsquaregallery.com/
Du mardi au samedi de 10h à 12h et de 14h à 19h ainsi que le premier dimanche de chaque mois et sur rendez-vous.