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Est-il un sale con ?

Dans la série des humoristes politiquement incorrects (au hasard : Gaspard Proust, Stéphane Guillon) on trouve désormais Pierre-Emmanuel Barré. En plein été, nous avons chatouillé cette plume caustique, histoire de tester ses limites. Comme nous le présumions, cela fait longtemps que notre homme ne se demande plus si l’on peut rire de tout. Mais réduire ce Breton de 31 ans à un « sale con » (c’est lui qui le dit !) serait trop simple. Présent sur tous les fronts (France Inter, Canal +), P-E Barré est d’abord passé par la scène dite « classique » avant de traiter le grave à la légère. En tout cas, sa technique pour le rejoindre en tournée reste imparable : « Venez (ce soir) ou je tue des chatons ! ». Si vous ne le faites pas pour lui, faites-le au moins pour eux.

Comment définiriez-vous votre humour ? Et quels seraient vos modèles ?

J’essaye de ne pas faire toujours la même chose, parce qu’en France, on nous range vite dans une case. Beaucoup de trucs me font rire : l’absurde, l’humour noir, et même le pipi-caca. Surtout le caca d’ailleurs. Quand c’est bien fait, c’est imparable. Je suis fan des humoristes anglo-saxons, Louis C.K., Eddie Izzard, ou les Monty Python. Mais ici on en a des cools aussi. Chris Esquerre est un génie et le spectacle de Blanche a failli me tuer.

Que faisiez-vous avant d’arriver à Paris ? N’avez-vous pas étudié la biologie avant de suivre le cours Florent ?

Oui, j’ai toujours adoré être au chômage. La bio m’apparaissait comme un bon moyen pour finir à Pôle Emploi, mais au dernier moment, j’ai préféré utiliser la voie officielle, alors j’ai fait du théâtre.

Pourquoi avoir retenu ce titre de spectacle : « Pierre-Emmanuel Barré est un sale con » ?

J’ai écrit le spectacle avant de faire de la radio ou de la télé. Les gens venaient un peu par hasard, et c’est compliqué d’arriver avec un texte cru quand le public ne sait pas à quoi s’attendre. En plus, je jouais le dimanche après-midi. C’est marrant comme une blague sur Outreau est moins drôle avec deux enfants au premier rang.

Quelle est votre définition du « sale con » ?

On est tous un peu des sales cons, hein ! On enjambe des clochards pour aller acheter Libé tous les matins. Être un sale con, c’est pas compliqué, il suffit de s’occuper de sa gueule et faire des blagues sur les mecs qui en chient. C’est un peu comme être de droite.

Depuis qu’un ancien humoriste confond la scène avec une tribune politique douteuse, est-il important de faire comprendre d’où l’on parle ?

Pourquoi « ancien humoriste » ? Un menuisier raciste, ça reste un menuisier. Personne va venir lui retirer sa carte de menuisier. Manuel Valls, il va pas débarquer chez le menuisier pour embarquer son rabot à bois. J’aime pas quand un politique décide pour moi ce qui est drôle ou pas. C’est un peu condescendant de penser qu’on est trop cons pour être en désaccord avec un propos. Si quelqu’un tient un discours condamnable, qu’il soit condamné, mais quand on interdit un spectacle, on condamne des propos avant qu’ils ne soient tenus. à ce rythme là, ils vont finir par sortir un projet de loi sur le renseignement ou le Premier Minis… Oh, wait.

Pour autant, est-il indispensable de continuer à déconner sur les génocides, les viols d’enfants, etc. ?

Je trouve ça dangereux de sacraliser les choses. Depuis le début de l’humanité, dès qu’on décide qu’un truc est sacré, ça part en couille. Le sacré, c’est que des emmerdes. Jamais il y en a eu un pour dire : « Eh, les mecs, on dit que la vie c’est un truc sacré, et personne tue personne ? ». Les gens qui décident ce qui est sacré sont des cons.

Vous devinez que certains terrains sont glissants ? Comment composez-vous avec ceux-ci pour ne pas vous planter ?

Je pars du principe que si c’est drôle, ça passe. C’est un point de vue intéressant, mais malheureusement, j’ai tort. Parfois, je suis le seul à trouver un truc marrant. C’est pas grave. J’aime bien les « froids », aussi. C’est rigolo.

Testez-vous vos sketches avant un spectacle ? Ou au contraire préférez-vous garder un côté « brut de décoffrage » ? Sans tenir compte des associations de défense de telle ou telle minorité ?

Bah, si on commence à tenir compte des réclamations, ça va devenir très difficile de faire de l’humour. Je suis un peu fasciné par ces gens. La plupart font ça bénévolement ! Je comprends qu’une blague ne fasse pas rire, mais faut vraiment avoir une vie de merde pour que ta meilleure occupation, ce soit de faire des procès au type qui l’a racontée.

Comment procédez-vous pour l’écriture ? Par quoi êtes-vous le plus inspiré ? Vous dites « Le malheur des autres, c’est mon fonds de commerce », pourriez-vous donner quelques exemples ?

Pour les chroniques, je travaille avec mon co-auteur, on suit l’actualité. C’est vrai qu’on a tendance à choisir des sujets sérieux. On a eu une très belle fin d’année, entre les 49-3, la loi Macron et le projet de loi sur le renseignement… En 2015, si on aime se faire enculer, il fait bon habiter en France.

Vous passez d’un sujet à l’autre, parfois sans transition apparente… Comment faites-vous pour lier vos réflexions sur les athées extrémistes, les témoins de rien du tout, les bienfaits des attentats… ?

Je voulais que le spectacle soit un peu “parlé”, avec peu de mise en scène, donner une impression de discussion de fin de soirée. On s’emmerde pas avec les transitions à 3 heures du matin.

Qu’en est-il de vos chroniques à la télévision et à la radio ? Vous y retrouverons-nous en septembre ?

Je serai toujours sur France Inter, mais j’ai quitté La Nouvelle Edition sur Canal+. Ils vont me manquer, je les aimais bien. J’ai eu un espace de liberté incroyable dans cette émission.

Vous avez aussi joué dans des pièces plus « classiques » à vos débuts (Ruy Blas de Hugo, des pièces de Feydeau). Avez-vous d’autres projets de théâtre ? Du cinéma ?

J’ai déjà co-écrit une pièce avec Bruno Hausler intitulée Full Metal Molière qu’on rejoue en septembre au Point Virgule. Hop. Bim, ni vu ni connu je cale ma promo dans la dernière question ! Je suis vraiment une vieille fouine… à part cette pièce, j’ai plein d’autres projets, mais je ne préfère pas en parler. Si vous voulez, on refait une interview quand ils seront réalisés, ce sera avec plaisir.

Propos recueillis par Nicolas Pattou; Photo par Christophe Brachet

Pierre-Emmanuel Barré est un sale con, 26.09, Lille, le Splendid, 20h, 28,30€

www.le-splendid.com

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