Gilles Caron
Objectif subjectif
Gilles Caron. Ce nom ne vous dit peut-être rien, mais chacun garde en mémoire le sourire narquois de Daniel Cohn-Bendit narguant un CRS. Selon Henri Cartier-Bresson, ce jeune homme était le photographe le plus doué de sa génération. Disparu à trente ans sur une route du Cambodge, le Parisien laissait derrière lui une oeuvre marquante, en proie au doute et à la remise en question.
À peine cinq ans de carrière, 500 reportages et une mort mystérieuse, Gilles Caron (1939- 1970) est un peu le James Dean des photographes. Cependant, Le Conflit Intérieur évite l’écueil de l’hagiographie et dévoile, en près de 150 clichés, le parcours d’un intime de Don McCullin, ayant vécu tous les grands évènements de son temps – du Swinging London au Biafra, d’Israël à Mai-68, en passant par les émeutes de Derry ou La Nouvelle Vague. Le premier, ce fut les évènements d’Algérie, comme on disait pudiquement. Appelé, puis parachutiste, témoin des violences infligées aux civils, Caron refuse de porter les armes. Est emprisonné. Ce traumatisme explique (en partie) le choix du photojournalisme : être au plus proche, et témoigner. Le parcours présenté, véritable portrait anti-héroïque du photographe, ne fait pas l’impasse sur ses photos plus légères. Brel et Twiggy, Romy et The Beatles, Jane et Serge… Simple job alimentaire ? « Il faisait ses gammes, éclaire le directeur du musée Xavier Canonne. Comme un musicien ayant besoin de répéter. Le retour à la vie « normale » ne devait pas être facile pour lui ».
Narrer l’indicible
Avec un sens du mouvement et du cadrage hors-pair, le photographe (l’artiste ?) compose des images fortes. Lors de l’une de ses premières missions sur le terrain, durant la Guerre des Six-Jours, en 1967, Caron immortalise les visages fatigués, un soldat israélien épuisé, ou ce Palestinien dont le visage est couvert d’un keffieh – on le devine mort, mais nulle trace de sang. Pudibonderie ? Refus du sensationnalisme, surtout. Bien sûr, les images se doivent parfois d’être fortes pour éveiller les consciences, telle cette fillette au napalm, de Nick Hut. Mais Gilles Caron se place souvent à côté, poussant le recul jusqu’à shooter son ami Depardon en train de saisir un enfant mourant. Ainsi, le photographe pose la question du sens et de la morale et de son métier. Qui reste sans réponse.
Gilles Caron, Le Conflit Intérieur
Jusqu’au 18.05, Charleroi, Musée de la Photographie, mar>dim, 10h>18h, 6/4/3€, www.museephoto.be