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Hors cadre

Entraînement au stand de tir. Pyongyang, Corée du Nord © Stéphan Gladieu courtesy School Gallery / Olivier Castaing

De la Corée du Nord on ne sait rien, ou pas grand-chose. Auteur d’une oeuvre profondément humaniste, quelque part entre l’art et le documentaire, Stéphan Gladieu est parvenu à entrer dans ce pays sous cloche, à raison de cinq voyages effectués entre 2017 et 2020. De ces séjours à Pyongyang et ses environs est née une série de portraits aussi intrigants que surréalistes : ceux des habitants de la dernière grande dictature communiste. 

La Corée du Nord comme vous ne l’avez jamais vue, ou plutôt imaginée, tant elle demeure une énigme, un mystère. Stéphan Gladieu fait partie des rares photographes à avoir entrouvert les portes de la péninsule. « Il y a un paradoxe énorme entre la couverture médiatique dont bénéficie ce pays et l’invisibilisation de sa population, relève-t-il. On ne parle que de Kim Jong-Un, des tensions internationales, d’armes nucléaires mais finalement très peu de ce peuple, alors que 25 millions de personnes vivent tout de même ici. Ce sont ces gens qui m’intéressaient ». Après de longues négociations avec les autorités locales, et sous bonne escorte, le reporter français a donc pu se rendre avec son studio portatif dans des espaces prédéterminés par le régime : ici une usine, là un hôpital, ou encore un salon de coiffure, une piscine, un stand de tir, un parc d’attractions et parfois dans la rue, devant des monuments à la gloire des tyrans…

Stéphan Gladieu. Serveuses du bateau-restaurant au pied de la tour du Juche. Pyongyang, Corée du Nord © Stéphan Gladieu courtesy School Gallery / Olivier Castaing

Stéphan Gladieu. Serveuses du bateau-restaurant au pied de la tour du Juche. Pyongyang, Corée du Nord
© Stéphan Gladieu courtesy School Gallery / Olivier Castaing

Son objectif ? Réaliser des clichés des habitants, pour le moins surpris par la démarche. « Il faut savoir que le portrait n’existe pas en Corée du Nord. Dans les maisons, il n’y a quasiment pas d’albums de famille, l’individu est uniquement envisagé au sein du collectif », indique Stéphan Gladieu. Son travail observe alors des règles précises. Il reprend les codes visuels de la propagande nord-coréenne, pour mieux les « surjouer ». Ses sujets sont placés au centre de l’image, cadrés en pied, de manière frontale, dans des compositions colorées, soulignées au flash… et nous regardent droit dans les yeux. Cette représentation iconique offre ainsi « un face-à-face avec l’individu. On en apprend presque autant sur lui que sur nous ».

Régime spécial

Présentés en très grand format, ces « portraits miroirs » révèlent (un peu) une société à priori figée, au milieu du siècle dernier, et flirtent (beaucoup !) avec le surréalisme. « On a l’impression que tout est faux, comme dans une telenovela mexicaine » commente l’intéressé. C’est ici un homme qui pose en costume devant un étalage de sodas outrageusement chatoyant, là une paysanne se dressant fièrement dans un champ, faucille à la main, telle une illustration vivante de la propagande communiste… Si les lieux lui ont été imposés, Stéphan Gladieu s’est octroyé un « espace de liberté » durant ces shootings, grâce aux arrière-plans, jamais avares de « clins d’oeil ». À l’instar de ce couple et son enfant posant dans le zoo central de Pyongyang. Deux statues de manchot se mêlent discrètement à la famille, tel un symbole de l’uniformité et de la standardisation dictées par le régime.

A LIRE ICI / L’INTERVIEW DE STEPHAN GLADIEU

Stéphan Gladieu (c) Julien Damien

Stéphan Gladieu (c) Julien Damien

Julien Damien / Photo : Entraînement au stand de tir. Pyongyang, Corée du Nord © Stéphan Gladieu courtesy School Gallery / Olivier Castaing
Informations
Charleroi, Musée de la Photographie

Site internet : http://www.museephoto.be

28.01.2023>21.05.2023mar > dim : 10h-18h, 8 > 4€ (gratuit -12 ans)
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