Home Cinéma Philippe Rebbot

Flou artistique

L'Amour flou © Rezo Films

Tourné dans le nord de la France, entre Loos-en-Gohelle et Liévin, Mine de rien raconte le combat de chômeurs de longue durée pour retrouver leur dignité. Comment ? En bâtissant un parc d’attractions dans une mine de charbon désaffectée… Né à Lens et descendant d’une famille de mineurs, Mathias Mlekuz signe ici une comédie feel good qui ne manque pas de fond. Prix du public au festival de l’Alpe d’Huez, elle est portée par Arnaud Ducret (Parents mode d’emploi) et l’inénarrable Philippe Rebbot. Après avoir crevé l’écran avec Romane Bohringer dans L’Amour flou, cet ovni du cinéma français trouve un nouveau rôle à sa mesure : brindezingue et un poil mélancolique. Cet acteur généreux évoque ses débuts, sa passion pour Patrick Dewaere et dispense la bonne parole hippie.

Comment présenteriez-vous Mine de rien ? C’est une comédie tendre et exhortant les gens à ne pas se laisser écraser, mais gentiment. “Dites-le avec des fleurs”, comme chanterait Laurent Voulzy (rires).

Ce film est-il inspiré de faits réels ? Pas vraiment. Mathias souhaitait rendre hommage à sa région et à son père, qui s’est beaucoup impliqué pour sauvegarder son patrimoine. J’ai coécrit le scénario avec lui. C’est un ami de longue date, on porte le même regard sur les choses. Un jour il m’a raconté son histoire et je me suis glissé dans sa vie car la culture du Nord m’est étrangère. Mais qu’ils soient du sud, de l’est ou de l’ouest, les gens sont un peu les mêmes et eux je les connais bien, je porte toutes leurs failles.

A quoi votre personnage ressemble-t-il ? Il est con comme un sparadrap, mais son immaturité l’empêche d’être écrasé. Bien sûr, on peut le regarder comme un type trompant sa femme à tour de bras mais il n’en a même pas conscience, c’est un vrai hédoniste ! Il vit simplement des petites histoires d’amour.

Connaissiez-vous la vie des mineurs ? Elle ne m’était pas totalement inconnue car j’ai quand même suivi des études, pas beaucoup on est d’accord… et puis j’avais vu Blanche Neige, ça aide (rires).

Plus sérieusement ? Pour moi, ils représentent une sorte d’aristocratie des ouvriers, affichant une certaine fierté. J’en avais une image très sombre mais quand j’ai découvert le Nord, je me suis rendu compte du contraire. Les anciens mineurs nous ont rapporté des histoires d’amitié, de solidarité… Être ensemble leur rendait la vie moins dure. Le film défend cet esprit et l’idée qu’il en faut peu pour être heureux. Pour eux le bonheur, c’est planter des petites fleurs ou construire un parc d’attraction, que ça dure une journée ou plus.

Mine de Rien © M.E.S. Productions

Comment avez-vous été accueillis sur place ? Comme des amis. Beaucoup de figurants sont des gens du coin et même d’anciens mineurs. D’ailleurs, l’économie du film nous a collé les uns aux autres. Comme des manchots sur la banquise qui se tiennent chaud… Ils ont redécouvert quelque chose de l’ordre de la solidarité minière.

Aviez-vous à l’esprit des comédies sociales du même genre, comme The Full Monthy ? On est plus branchés comédies italiennes des années 1950-60, comme Le Pigeon de Monicelli, mais au final on retrouve effectivement le modèle de The Full Monthy. Mine de rien évoque une certaine classe populaire, certes, mais ce film est plus poétique que politique. En tout cas, il m’a fait du bien.

Plus généralement, comment choisissez-vous vos rôles ? Ce sont eux qui me choisissent, en fait. J’en refuse très peu car généralement ils me conviennent. Je ne suis pas un technicien, je ne sais pas composer. On me propose donc des personnages proches de ma nature.

Mine de Rien © Eddy Brière – M.E.S. Productions

Mine de Rien © Eddy Brière – M.E.S. Productions

Comment êtes-vous devenu acteur ? Par hasard. Enfant, je n’y pensais même pas, je voulais surtout être un héros (rires). Je n’ai jamais eu de vocation ou d’envie particulière, je me suis donc toujours laissé porter. J’ai vite laissé tomber les études puis j’ai bossé pendant cinq ans comme magasinier, et je me suis bien marré avec les copains. J’ai ensuite découvert le cinéma en tant que régisseur à 30 ans et je me suis dit : “ok, je peux rester là pendant 125 ans”, car j’adore la fiction et faire partie d’une équipe… Même si je prépare seulement les sandwichs j’ai l’impression de participer.

Comment êtes-vous passé devant la caméra ? Un jour, un copain m’a proposé de jouer dans des courts- métrages. Le film de mon ami Édouard Deluc, ¿Dónde está Kim Basinger?, qu’on avait tourné en Argentine en noir et blanc, a hyper bien marché : il a raflé des prix, a été nommé aux César… Et d’un coup, tout le monde m’a découvert ! Un agent m’a même téléphoné : “Mais d’où tu sors ? T’es un acteur belge ? Je t’avais pas repéré”. A partir de là, je me suis dit : “ça va s’arrêter, ils vont comprendre qu’il y a un malentendu”. Depuis il dure… tant mieux (rires) !

J’ai aussi lu que vous vous considériez comme un scénariste raté. Pourquoi ? Je ne suis pas vraiment un scénariste raté car je n’ai même pas essayé. Par contre je pense être un bon co-scénariste, je peux aider les autres car je ne gamberge pas trop. Mais je ne suis pas à l’abri d’un moment d’orgueil, de finir un scénario et de le tourner ! J’ai un peu l’impression, non pas d’avoir tout loupé, mais d’être au bord des choses, et ça me va.

Quels seraient vos modèles ? Je n’en ai qu’un : Patrick Dewaere. Je suis une vraie arnaque d’ailleurs car, quand je travaille un personnage, je me demande toujours comment il l’aurait joué ! On fait partie de cette communauté de poètes un peu perdue. Je pourrais aussi citer le gros Gégé… Sinon, je suis plutôt films américains. J’aimerais bien que mon biopic soit joué par Robert Downey Jr. ou Nicolas Cage, le Dewaere américain. Mais vous écrirez les références que vous voulez, surtout des personnes cool (rires) !

Vous êtes plutôt du genre “détendu”… En fait, je ne réfléchis pas beaucoup et malgré cela, j’ai une vie sympa. C’est peut-être un message à transmettre : laisse-toi porter par la mer, elle te ramène toujours sur le rivage !

Quelle sera la prochaine étape ? Je ne sais pas, peut-être écrire ou devenir bûcheron ! Mais je suis maladroit donc ce n’est peut-être pas une bonne idée (rires). Finalement, avoir subi une bonne dépression à 30 ans m’a tellement plongé au fond du trou que ça m’a libéré d’un truc, notamment de l’orgueil. Ma force a toujours été de rêver. Je suis peut-être le dernier hippie.

Propos recueillis par Lucille Leleu

Mine de rien

De Mathias Mlekuz, avec Philippe Rebbot, Arnaud Ducret, Mélanie Bernier… En salle

Articles similaires