Home Best of Interview Pierre Marie Lejeune

Hausse du volume

Pierre Marie Lejeune, Picto Manganèse, 2018 © Pierre Marie Lejeune

Né en 1954, exposé dans le monde entier mais jamais encore dans les Hauts-de-France, Pierre Marie Lejeune se présente comme sculpteur et dessinateur. Son travail repose sur la création d'”objets poétiques”, constitués de formes, jeux de lumière et matières, associant par exemple l’acier, la pierre et le bois. Pour l’occasion, 12 de ses sculptures monumentales investissent les parcs et jardins du Touquet, tandis qu’une soixantaine de ses dessins se dévoilent au musée. Plus que de simples ébauches, ces plans ou aquarelles demeurent des œuvres à part entière.

Vous montrez rarement vos dessins. Pourquoi les dévoiler ici ? Quand l’équipe du musée du Touquet m’a contacté, il s’agissait simplement d’exposer mes sculptures. Et puis lorsque Chloé Jacqmart, la conservatrice, est venue dans mon atelier, je lui ai montré ce qu’il y avait en amont : les dessins, les aquarelles, les maquettes. Elle a alors souhaité révéler cet aspect de mon travail, et j’ai aimé l’idée. Je lui ai laissé carte blanche pour effectuer la sélection. Celle-ci couvre toute ma carrière, de 1983 à aujourd’hui.

Ces dessins ne sont-ils que des études préparatoires ? Non. Je commence toujours par travailler à une petite échelle, à l’encre sépia ou à l’aquarelle, avant de chercher les meilleurs artisans pour réaliser les sculptures, mais je considère ces dessins comme des œuvres à part entière. D’ailleurs, ce bloc-notes cérébral a évolué au fil de mon parcours.

Comment ? J’ai amorcé avec la série Move, en 2017, une recherche sur le corps. Alors que je me tenais soigneusement à l’écart de toute représentation humaine, je puise dans des photos de sportifs, que je prends moi-même ou récupère en ligne, l’essence du mouvement. C’est la nageuse de Melanie ou la danseuse de Dance of The Suzhou Stone. Chaque dessin mêle la photo d’une personne à celle d’un minéral et à un collage de papier. Il me permet d’expérimenter de nouvelles sculptures.

Melanie, 2017 © Daphné Lejeune

Melanie, 2017 © Daphné Lejeune

Peut-on reconnaître dans les dessins sélectionnés les volumes posés dans les jardins ? Oui, notamment Megastone, une vague recouverte d’inox poli miroir posée sur une pierre bleue de Namur, ou Bug, disposé dans le jardin du musée. Mais toutes mes œuvres ne sont pas exposées dans les parcs du Touquet, car beaucoup voyagent et certaines sont réservées longtemps à l’avance.

Vous parlez parfois “d’objets poétiques” plus que de sculptures. Pourquoi ? Principalement par modestie. Et parce que je ne me situe pas dans la figuration ni l’image. Il n’y a pas de” sens” à chercher derrière une forme.

Comment êtes-vous venu à la sculpture ? En 1983, j’ai obtenu une bourse de la Villa Médicis “hors les murs”, à Louxor, à l’époque pour mes peintures. La résidence a duré un an, j’étais en compagnie d’archéologues et d’égyptologues. Sur place j’ai été marqué par la lumière. Avec le reflet ou le miroir, elle tient depuis une place très importante dans mes œuvres. C’est aussi à partir de ce moment-là que j’ai commencé à travailler en volume, avec notamment une sculpture polymorphe en 16 morceaux. En somme, je suis parti peintre et je suis revenu sculpteur. Aujourd’hui, je crée des objets se situant à la frontière entre le design et la sculpture, suivant trois échelles : humaine, celle de l’arbre et enfin de l’architecture. Tout est une question de dimension et de masse.

Megastone, 2015 © Pierre Marie Lejeune

Megastone, 2015 © Pierre Marie Lejeune

Depuis plusieurs années, vous créez surtout des pièces destinées à l’espace public… Oui, j’aime que le public puisse toucher, ressentir, s’asseoir sur les œuvres. Même si, à cause des assurances, ce n’est pas toujours possible. Je suis totalement anti-cordon rouge au musée !

Maxilinea, 2015 ©Pierre Marie Lejeune

Maxilinea, 2015 ©Pierre Marie Lejeune

Votre collaboration avec Niki de Saint Phalle, au début de votre carrière, a-t-elle été déterminante ? Sa façon de fonctionner, en tant qu’artiste, m’a évidemment inspiré. Son travail, en revanche, pas du tout : chez elle, tout est dans la couleur, alors que je l’ai abandonnée très tôt.

Quand et comment l’avez-vous rencontrée ? Au début des années 1980, quand j’étais étudiant aux Beaux-Arts de Paris. A l’époque, j’avais mal choisi ma section et j’étais tout le temps fourré dans l’atelier de César. J’ai d’ailleurs fui assez vite la formation. J’ai aidé Niki à peindre la fontaine Stravinsky, qu’elle a réalisée à Paris avec Jean Tinguely. Puis nous nous sommes un peu perdus de vue. Elle m’a recontacté pour que je réalise les bancs et une partie du mobilier du Jardin des Tarots, en Italie. Ce projet m’a occupé pendant plusieurs années, et nous avons gardé longtemps de profonds liens d’amitié.

Quels sont vos projets ? Ces dernières années, je me suis rendu assez fréquemment en Chine, après avoir participé à un concours qui m’a ouvert plusieurs portes. Je vais sans doute continuer à voyager, pour créer des sculptures ou pour des expositions mais, outre l’exposition au Touquet, c’est la parution d’une monographie, Monumentale, chez L’Abica, qui m’occupe actuellement. Ce livre dresse un panorama de mes œuvres monumentales, des années 1980 à aujourd’hui, avec une introduction signée par le commissaire et critique Damien Sausset.

Propos recueillis par Marine Durand
Informations
Le Touquet, Musée du Touquet-Paris-Plage
15.06.2019>22.09.2019tlj sauf mardi : 10 h > 12 h 30, 14 h > 18 h 30 (juillet et août),, 3,50 / 2 € / grat. (-18 ans)

A visiter : pierremarielejeune.com

A lire : Monumentale (L’Abica), 190p.,  informations et commandes : bp@abica.fr

Articles similaires
© Thomas Jean