Polifemo
Le mythe sur un plateau
Ce n’est pas le plus connu des compositeurs de la période baroque, mais pas le moins prolifique. Rival de Haendel, Nicola Porpora (1686 -1768) laisse à la postérité une cinquantaine d’opéras. Parmi eux le rarissime Polifemo, dont on découvre à Lille une version des plus spectaculaires, entre humour, tragédie et effets (très) spéciaux…
Créée en 1735 sur mesure pour Farinelli, le plus célèbre des castrats, cette oeuvre croise deux récits mythologiques ayant le même protagoniste : le cyclope Polyphème. Cette créature sanguinaire apparaît dans l’Odyssée d’Homère, où Ulysse s’échappe de sa grotte en lui crevant l’oeil. C’est aussi le monstre de jalousie des Métamorphoses d’Ovide, tuant le berger Acis dont s’est épris la nymphe Galatée. Mais ce jalon de l’opera seria, par essence “sérieux”, prend dans ce spectacle une autre dimension.
Comme au cinéma
Si la musique reste la même, élégante et traversée d’airs délicats (dont le fameux Alto Giove), le metteur en scène Bruno Ravella aborde l’histoire sous un angle tragi-comique, avec une impressionnante mise en abyme. L’opéra est en effet abordé par le prisme d’un tournage de péplum, dans les années 1960. « On est dans les studios de Cinecittà. L’affiche du film constitue le rideau de scène. Dès qu’il tombe apparaît le plateau de tournage, avec ses projecteurs, ses cameramen… », indique Thomas Thisselin, responsable de la communication de l’Opéra de Lille. Au programme ? Décors en carton-pâte, héros bodybuildés et même… un gigantesque cyclope en latex ! « Ici, Acis est un peintre décorateur tombé sous le charme d’une des stars du film, qui raconte justement l’histoire originale d’Ulysse ». Ou comment ressusciter un chef-d’oeuvre oublié en lui offrant les atours d’un spectacle grand public.