Cate Le Bon
Douceur vénéneuse
Depuis treize ans, à l’abri des modes, Cate Le Bon trace sa route. Et quelle route ! Sinueuse, tout en lacets et parfois bien raide. On la suivrait pourtant n’importe où. Accrocheuses, défricheuses, ses chansons renvoient rien de moins qu’à David Bowie, comme en témoigne Pompeii, son dernier album.
Lorsque la Galloise apparut en 2009, nous fûmes intrigués par ces chansons tordues et enivrantes, clamées d’une voix de pythie de proximité. Nous songeâmes alors à la cousine de province des New-Yorkais The Fiery Furnaces… avant de tomber à la renverse en découvrant la suite : une poignée de disques rigoureusement indispensables, empruntant aussi bien au Velvet Underground (chansons à l’os, scoliose de guitares, rythmiques bien raides) qu’à la douceur d’un folk pastoral britannique. Cate Le Bon, c’est la mélancolie et l’étrangeté, une douceur vénéneuse qui jamais ne hausse le ton, préférant jouer avec les rythmes et les sons pour faire surgir le bizarre au milieu de l’harmonie. Pas étonnant que se pressent à son portillon tout ce que l’indie rock compte de têtes plus ou moins chercheuses. Ainsi de Tim Presley, qui formera avec elle Drinks, ou du plus classique Kurt Vile. Surtout, Cate Le Bon fut invitée aux manettes d’albums de Deerhunter ou de Josiah Steinbrick en tant que productrice. Ce qui pour une femme, aussi étonnant que cela puisse paraître en 2022, demeure rare. Rien que pour ça, la Britannique est l’une des artistes majeures de ce début de siècle. Vous n’y croyez pas ? Rendez-vous dans quelques années.