Myd
Loser magnifique
Révélé au sein de Club Cheval, Quentin Lepoutre (aka Myd) sort un premier album solo lumineux. Publié sur le prestigieux label Ed Banger, Born a Loser se déguste comme un rafraîchissant cocktail estival. Soit 14 titres mêlant house raffinée, techno, pop et surtout une bonne humeur contagieuse, à l’image de ce Lillois à la désarmante décontraction. Mais qu’on ne s’y trompe pas, derrière l’apparente nonchalance, la petite moustache et les lunettes aux verres teintés se cache un redoutable producteur, nommé pour le César de la meilleure musique de film pour Petit paysan ou plébiscité par la planète rap (SCH, Georgio). De quoi perdre la boule ? Pas vraiment…
Quel est ton parcours ? Je suis né à Croix et j’ai grandi entre Lille et Villeneuve d’Ascq. J’adorais la musique électronique anglaise et me suis découvert une passion pour le Djing vers 14 ans. Alors, je me suis mis derrière les platines, essayant de mixer comme mes idoles, Fat Boy Slim, The Chemical Brothers… Heureusement à Lille, il y avait un bon magasin de vinyles. Toutes les semaines j’y achetais mon petit disque que j’enchaînais avec le précédent. Mais, rapidement je me suis senti limité. J’ai donc produit mes propres sons.
Comment cela a-t-il commencé ? J’ai d’abord monté un groupe avec deux copains baptisé Sexual Earthquake In Kobe (SEIK) qui a eu sa petite notoriété à Lille. Parallèlement, j’ai suivi un BTS audiovisuel option son à Roubaix, puis je me suis inscrit dans une école de cinéma et d’ingénieur du son à la Fémis, à Paris. C’est à ce moment-là que j’ai rejoint Club Cheval, aussi composé de Lillois. On a joué six ans ensemble, tourné partout dans le monde… C’était une belle aventure.
Pourquoi t’es-tu lancé en solo ? Même si on s’adore, on avait des choses plus personnelles à raconter chacun de son côté. Il y a quatre ans, j’ai donc décidé de me concentrer sur ma propre musique. Je me suis enfermé en studio, dans mon salon chez moi à Paris. Je passais toute la journée en caleçon derrière mes machines, à essayer de mélanger mes styles préférés, l’indie rock, la folk et la musique électronique.
Tu as baptisé ton premier album Born a Loser. Pourquoi ce titre ? Pour tout dire, j’ai retrouvé une vieille photo de moi à 14 ans, prise dans ma chambre à Lille. On me voit derrière mon énorme PC et mes synthés, fan d’électronique quand tous les mecs cool du lycée écoutaient du punk-rock en faisant du skate (rires). Quoi que je fasse aujourd’hui ma démarche reste sincère, je ne te triche pas, ne cherche pas à créer une image plus “vendable”, j’appuie donc un clin d’œil à ce mec un peu loser mais qui n’a jamais dévié de sa trajectoire. C’est un hommage à cet anti-héros.
Le disque est assez solaire. Peut-on le considérer comme la BO d’un été déconfiné ? J’espère qu’on ne s’en souviendra pas seulement comme tel. D’ailleurs, Together We Stand était déjà considéré comme la BO de l’été dernier, quand on pensait que le Covid avait disparu. Je constate aussi que certains de mes titres, comme The Sun, restent synonymes de vacances. Chaque été, il enregistre des pics de stream et ça me ravi. Mes productions correspondent à un moment heureux dans la vie des gens et un artiste ne peut rêver mieux. Ma musique n’a rien d’une mode, quatre ans plus tard elle fonctionne toujours…
Comment définirais-tu ton son ? Entre house, techno, avec une bonne dose de pop ? Oui, mais je suis DJ et producteur de musique électronique avant tout. Ma vie, avant le Covid, c’était le club tous les week-ends jusqu’à six heures du matin. Ma passion, c’est faire danser les gens. Ce format album, par essence plus long, m’a permis d’être plus extrême dans mes choix. Sur des morceaux comme Weather the Weather, je balance entre guitares plus douces et techno plus violente.
Tu parles parfois de « dance music artisanale »… Oui, j’adore cette formule. Ce côté “artisanal ” traduit mon besoin d’im- perfection, du fait-main. Je veux qu’on sente l’être humain derrière la musique. J’utilise par exemple des bandes magnétiques, des K7 audio ou des synthés vintage… soit autant d’instruments imparfaits qui créent des accidents, une émotion particulière.
On compte un invité de marque sur Born a Loser, en la personne de Mac DeMarco… Oui, pour le titre Moving Men. C’est un rêve qui s’est réalisé. Pour l’anecdote, c’est le dernier morceau que j’ai enregistré. L’album était bouclé, et puis je me suis retrouvé bloqué à Los Angeles à cause du Covid, comme Mac. Ça nous a permis de trouver du temps libre pour réaliser ce morceau.
Tes “CoMyd 19″ ont aussi été élus meilleurs sets du web durant le confinement par le magazine Billboard… Oui, j’en suis ravi car il n’y avait pas plus français que ce show, c’est très drôle. Je jouais dans mon salon en pyjama tous les matins. Je ne me suis pas posé de questions. Ça me conforte dans cette volonté de rester qui je suis.
D’ailleurs, tu as un sacré look, avec la casquette, la petite moustache… Est-ce un contre- pied à la branchitude ? Je ne sais pas, certains disent que c’est ça la branchitude. Moi, ça me ressemble, je ne me pose pas la question !
Quid de l’humour qui traverse tes clips, tes sets… Cela fait-il partie du projet Myd ? Le projet Myd, c’est moi, il n’y a plus que ma mère qui m’appelle Quentin. J’aime me marrer, faire des blagues, ça aurait été bizarre de me brider.
Tu sembles aussi avoir une propension à te balader tout nu, n’est-ce pas ? Oui, (rires). C’est grâce à la photographe et réalisatrice Alice Moitié. La pochette qu’elle a créée reste ma carte de visite : cette photo de moi cul nu sur le pont d’un paquebot. Elle a réussi à résumer en une image qui j’étais, une sorte de Benny Hill de l’electro (rires). Mais j’aime bien être à poil, au sens propre et figuré, je me suis vraiment mis à nu avec ce disque. Symboliquement, c’était un message, comme pour dire « c’est bon les gars j’y vais ! ». Après, je t’avoue que cette pochette n’a pas trop plu à ma mère (rires).
Tes goûts musicaux sont variés : de Michel Berger à Metronomy… Oui, mais pour moi, ils ne sont pas si éloignés. Ils triturent pareillement la pop pour la moderniser. Berger était un immense fan de jazz et de musique classique, il a réutilisé ces harmonies pour renouveler la pop française. Metronomy bidouille admirablement ses synthés, oscillant entre musique solaire et quelque chose de plus grinçant, bizarre.
Tu travailles aussi avec des rappeurs, comme SCH pour qui tu as signé l’instrumental de Champs-Élysées et qui d’ailleurs t’a valu un disque d’or. Comment considères-tu cet exercice ? Je crois qu’aujourd’hui il est même disque de platine… Pour moi, c’est important de placer mon savoir-faire au service d’autres projets. Le rap est propice à l’innovation, les rappeurs aiment casser les codes. Ils te poussent dans tes retranchements pour sortir de nouveaux sons, c’est très inspirant.
Tu as été nommé pour le César 2018 de la meilleure musique de film pour Petit Paysan, tu participes aussi, comme acteur cette fois, à Mes jours de Gloire d’Antoine de Barry, avec Vincent Lacoste… Oui, j’y fais une apparition, je joue un pharmacien, ça me fait toujours marrer d’essayer des trucs nouveaux. J’ai besoin d’inspiration.
Quels sont tes goûts en matière de ciné ? J’aime les films plutôt dérangeants, je suis un grand fan de Michael Haneke, de cet humour grinçant, avec ces méchants qu’on déteste autant qu’on aime. Il appuie sur des boutons inhabituels. J’essaie de retrouver ça aussi dans ma musique, c’est un exemple.
Tu vas bientôt démarrer une tournée. A quoi va ressembler ton live ? On sera trois sur scène. J’avais besoin de renouer avec la danse, donc il y aura des boîtes à rythmes, des synthés, mais aussi des guitares sèches. Entre les deux je chante. Disons que ce sera un mix entre la boîte de nuit et le camp scout !
À ÉCOUTER / Born a Loser (Ed Banger Records)