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Les mondes engloutis

Dans la série Future Rust, Future Dust, Loïc Vendrame témoigne de la crise immobilière et financière qui a frappé le monde en 2008. Le Lyonnais a posé sa tente et son appareil photo en Espagne, au pied de squelettes de béton figés dans une nature reprenant ses droits. Irréelles, absurdes, ces images de cités désertes, de routes ou d’édifices inachevés ont la force des symboles, et la beauté tragique des grandes catastrophes.

On avait quitté Loïc Vendrame en janvier 2016, avec ses clichés dignes de toiles de maître, sublimant les formes et couleurs de l’architecture moderne. On le retrouve avec un projet non moins excitant, où l’abstrait laisse cette fois place au documentaire. « J’avais fait le tour de mon approche, et ressentais le besoin de raconter une histoire, d’engager un point de vue plus marqué ». Ainsi ce Lyonnais de 27 ans, géographe de formation, s’intéresse désormais aux bâtiments abandonnés et autres villes fantômes. à ces « non-lieux urbains » nés des crises financières et immobilières de 2008. Ces images proviennent des deux premiers volumes de sa série Future Rust, Future Dust. Elles ont été prises autour de Madrid et dans la région de Murcie-Alicante. « Ces endroits sont perturbants, on se demande ce qu’il a bien pu s’y passer. Seul le bruit du vent vous accompagne et, pourtant, vous êtes entourés par toutes ces traces laissées par l’Homme, qui a soudainement tout plaqué comme si le pire était arrivé ».

Spanish Riviera - Sueca

 

Rêves brisés

Ces complexes hôteliers mort-nés, ces routes ne menant nulle part, ces cités inachevées, sans âme qui vive, nous plongent dans une ambiance post-apocalyptique. Vestiges d’une époque insouciante, ils nous racontent en silence la faillite d’une économie, et les catastrophes humaines qu’ils renferment. « J’essaie de montrer l’absurdité, le gâchis d’argent public, les rêves d’accession à la propriété brisés derrière ce béton. Les personnes endettées et les escrocs toujours en liberté. Il est aussi choquant d’observer autant de maisons habitables mais délaissées, alors que tant de personnes ne parviennent pas à se loger ». Une immense gabegie, doublée d’une atteinte à Dame Nature. « Au-delà de l’aspect politique et social, on voit aussi à quel point les paysages ont été défigurés pour rien ». On est également saisi par ce paradoxe entre la disgrâce des embryons immobiliers et la beauté du décor, la douceur de sa lumière. « J’aime ce contraste entre le climat et la dureté des lieux. Beaucoup étaient dédiés au tourisme, c’est une façon de les montrer tels qu’ils auraient existé s’il n’y avait pas eu la crise ».

Oui, les vacances sont finies… avant même d’avoir commencé. Le travail de Loïc Vendrame, lui, ne fait que débuter. « Je pars bientôt au Portugal et compte aussi me rendre dans le sud de l’Europe, au Maroc, dans les pays du Golfe ou en Chine. Mon objectif ultime est d’offrir une vision exhaustive des impacts de la crise sur les paysages urbains ». Comme un voyage autour d’un monde parallèle, englouti, mais hélas bien réel.

RETROUVEZ ICI L’INTERVIEW DE LOIC VENDRAME

Julien Damien
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