Run The Jewels
Remise à flow
Avec Run The Jewels, le rap revient à l’essentiel et fait entendre la voix des déclassés. Il redevient le vecteur populaire d’un message politique scandé sur des rythmes lourds, dopant un flow ultra-précis. Deux micros et un DJ suffisent donc pour retourner l’Ancienne Belgique.
La joint-venture de “Killer” Mike Render et de Jaime “El-P” Meline est la meilleure chose advenue au rap depuis des années d’escalade dans l’ego trip et le vocoder. Habitués de l’underground chacun de leur côté, les deux MCs américains réalisaient en 2013 un petit miracle avec un premier album éponyme qui pétrifiait le rap-jeu, faisant de l’ombre aux très attendus Yeezus de Kanye West et Long. Live. A$AP. d’A$AP Rocky. Leur signature ? Deux flows sacrément complémentaires posés sur les beats d’El Producto. De fait, RTJ revendique l’héritage des pionniers, celui d’un rap engagé. Après un deuxième disque triomphal l’année suivante (dont la déclinaison en samples de chats Meow the Jewels ne marquera pas les annales de la musique politique), ils réaffirment leur militantisme dans le contexte de la course à la Maison Blanche. Ils soutiennent ainsi clairement Bernie Sanders et dénoncent les glissements populistes de Trump. Pour répondre à l’élection du magnat républicain, ils ont précipité la sortie et la diffusion gratuite de RTJ3, troisième opus qui atteint les sommets des plus virulents titres de Public Enemy. Cette bordée révolutionnaire a forcément une visée universelle. C’est donc en tournée, lors de harangues féroces, qu’il faut la saisir.