Les Chevaliers blancs
Humanitaire à terre
Inspiré de l’affaire dite de l’Arche de Zoé, qui secoua la France et le Tchad en 2007, le sixième long-métrage de Joachim Lafosse ne se contente pas de disséquer « le néocolonialisme compassionnel », pour citer Noël Mamère. Le cinéaste bruxellois joue les équilibristes sur cette ligne (très) floue qui sépare le « Bien » du « Mal ».
Afrique subsaharienne, de nos jours. A la tête de l’ONG « Move for Kids », Jacques Arnault (Vincent Lindon) sillonne un pays dévasté par la guerre à la recherche d’orphelins. Entouré de volontaires (pompiers, médecins, infirmières), armé de liasses de billets, il tente de convaincre les chefs de villages de lui confier des enfants, leur promettant un avenir meilleur dans un orphelinat qu’il dit bâtir sur place. Mais il ment. En réalité, il compte les exfiltrer vers la France où les attendent 300 familles en mal d’adoption qui ont financé cette discrète opération… Joachim Lafosse filme au plus près ces aventuriers en herbe persuadés de servir une grande cause, au mépris de la loi et de la morale. Dans une mise en scène épurée, il expose les faits, montre la folie et la vanité de ces « humanitaires », leurs convictions qui s’épaississent ou se fissurent – comme celles de cette journaliste embedded (Valérie Donzelli) qui perd toute objectivité pour écouter ses sentiments. Mais il ne porte jamais de jugement. C’est la grande force du film. Il donne à voir des monstres qui n’ont finalement rien d’inhumain, et pavent sans le savoir l’enfer de leurs bonnes intentions.
De Joachim Lafosse, avec Vincent Lindon, Louise Bourgoin, Valérie Donzelli, Reda Kateb… En salle