Marcus Miller
Afrodisiaque
La plupart du temps associé au jazz, le bassiste et clarinettiste Marcus Miller a toujours évité les querelles de styles. Mieux, sa musique dresse des ponts entre des cultures apparemment éloignées. Après tout, comme le disait le bluesman américain Taj Mahal : « La Nouvelle-Orléans est juste la partie la plus au Nord des Caraïbes… ». A la faveur d’un nouvel album (Afrodeezia), parfaite synthèse de ses influences artistiques et voyages, Marcus Miller pose ses valises à Lille et Bruxelles. Rencontre avec une légende vivante.
Avez-vous vraiment débuté votre carrière en studio avec Miles Davis ?
Oui, je l’ai rencontré pour la première fois à 21 ans, en 1981, lors d’une séance d’enregistrement. à cette époque, personne n’avait eu de ses nouvelles depuis près de 5 ans. Lorsque je l’ai vu franchir le seuil de la porte du studio, c’était dingue, vous vous rendez compte… Miles Davis !
Comment cela s’est-il passé ?
J’étais intimidé certes, mais il n’était pas aussi grand que je l’imaginais. Et dès que nous avons commencé à jouer, je n’étais concentré que sur la musique, prêt à sortir le meilleur son. Donc ça s’est bien passé.
Ensuite, ne vous a-t-on pas limité au jazz ?
Les gens ont toujours besoin de vous classer. Mais je joue de la soul, de la musique africaine, caribéenne, du rhythm and blues… Peu importe le genre, je suis un musicien, tout simplement. Je viens de New York, avec toutes les influences que cela comporte. Je n’en suis que le reflet.
Vous venez de rejoindre le fameux label Blue Note. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Être sur le même label que tous ces géants du jazz des années 1960, c’est un honneur. Depuis les années 1980, ce label s’est ouvert à d’autres styles, et ma musique s’inscrit parfaitement dans cette perspective. J’aime l’idée d’être une partie de cette histoire.
Comment présenter Afrodeezia, votre nouvel album ?
J’ai voulu suivre la trace des musiques noires jusqu’aux Etats-Unis. J’ai donc travaillé avec des artistes venus des territoires que j’avais traversés avec l’Unesco (ndlr : Marcus Miller fut le porte-parole du projet La route de l’esclave). Du Mali aux Caraïbes en passant par le Brésil, la Nouvelle-Orléans… Dans cet album, j’ai proposé ma vision de cet héritage. Une vision moderne et respectueuse des anciens.
Comment cela se traduit-il sur scène ?
J’ai invité des percussionnistes. Cela faisait longtemps que je ne l’avais pas fait, mais vous ne pouvez pas jouer une musique qui tire ses influences de tous ces pays sans intégrer une grande section de percussions.
Vous avez travaillé avec des artistes français (Nougaro, Jean-Michel Jarre, France Gall). Comment voyez-vous, musicalement, la France et la Belgique ?
Il y a toujours eu de grands jazzmen dans ces pays. J’ai récemment joué aux côtés de Selah Sue lors d’un concert. Au moment du rappel, je l’ai invitée à interpréter un blues. Et à la fin, elle m’a dit : « il faut que je t’avoue que c’est la première fois que je chante un blues ! » Cela signifie que même si elle n’avait jamais joué cette musique, elle l’avait en elle depuis toujours. J’aime partager avec ces artistes, on se comprend au premier accord.
A écouter /
Afrodeezia, sortie le 16.03 (Blue Note)