Game of Rone
Creatures
Réservé, (vrai) modeste, Erwan Castex, alias Rone, a mis longtemps à assumer son statut de musicien. Pour la discrétion, c’est raté. Car depuis Spanish Breakfast et Tohu Bohu, le Parisien s’est imposé comme l’une des références de la scène électronique française avec des morceaux inventifs, mélodiques et mutants. Son 3e album, Creatures, fait la part belle aux collaborations – François Marry (sans ses Atlas Mountains), le violoncelliste Gaspard Claus ou Etienne Daho – et pousse plus loin encore la recherche musicale. Rencontre.
Comment définiriez-vous Creatures ? Plus ouvert aux collaborations que ne l’étaient mes deux premiers albums. Entre-temps je suis devenu papa d’une petite fille, j’ai l’impression d’avoir un peu « grandi » et je pense que ça se sent dans ce disque, je l’ai voulu moins autocentré.
Vous poussez également plus loin l’expérimentation… Oui, mais c’est aussi lié à mes machines. Parfois, elles devenaient presque incontrôlables, s’exprimaient elles-mêmes… comme si elles abritaient des créatures ! J’ai improvisé avec les boutons, joué un peu avec le hasard et utilisé ces accidents.
Avez-vous réalisé cet album dans de bonnes conditions ? Sans trop de pression ? De toute façon, je suis toujours anxieux ! Mais j’ai appris à travailler là-dessus. C’est plutôt entre le premier et le deuxième disque que j’ai vraiment eu un souci.
De quel ordre ? J’avais conçu Spanish Breakfast tout seul dans ma chambre de bonne, tranquillement, sans même me rendre compte que je composais un album. Mais pour Tohu Bohu, j’étais complètement paralysé par la pression.
Pourquoi ? Parce que la musique n’était plus simplement un amusement, elle est devenue un job. J’ai résolu ce problème en prenant du recul et en m’installant à Berlin (ndlr : entre 2011 et 2014). Pour Creatures, je suis parvenu à rejouer de la musique d’abord pour moi, sans penser à plaire. Je me suis enfermé dans une maison de campagne à Paris pour composer, avant d’entrer en studio.
Comment sont nées les collaborations ? De belles rencontres. Pour celle avec Etienne Daho par exemple, on pourrait croire qu’il s’agit d’un « arrangement » entre maisons de disques. mais pas du tout ! On est entré en contact, sans aucun intermédiaire.
Quel a été le prétexte ? Il s’est d’abord tourné vers moi pour que je remixe En surface, un titre de son dernier album. à la suite de cette première collaboration, on échangeait par téléphone. Il m’appelait pour prendre des nouvelles de ma fille. Alors, je lui ai proposé de chanter sur mon disque. Il s’est tout de suite accaparé le morceau (Mortelle).
Vous étiez d’abord étudiant en cinéma. Concevez-vous votre musique de façon visuelle ? J’envisage chaque morceau de manière narrative : avec un début, une fin… En fait, c’est tout l’album qui raconte une histoire, en ménageant différentes ambiances, des moments avec de la tension, d’autres plus doux. J’avais envie d’exprimer différentes émotions en une heure, pas me contenter d’une seule atmosphère. Comme dans un film ou dans la vie.
Justement quelles sont vos influences ? Elles sont toujours aussi vastes et bordéliques ! Elles vont d’Actress à Miles Davis en passant par la musique classique qui, je pense, reste ce qu’il y a de plus proche de la musique électronique. J’essaye de combiner toutes mes influences dans un album. C’est la raison pour laquelle on a du mal à me qualifier, mais ça me plaît de brouiller les pistes (rires).
A écouter: Creatures, InFiné, sortie le 09.02
A vister : rone-music.com, soundcloud.com/rone-music