Lisbeth Gruwez
La Flamboyante
Difficile à saisir, Lisbeth Gruwez se définit elle-même comme un « projectile ». Elle a donc commencé par nous échapper… En pleine tournée italienne pour AH/HA, sa nouvelle création, on la rattrape finalement dans sa chambre d’hôtel à Modène. Sous ses airs de rockeuse, la danseuse et chorégraphe parle vite et avec enthousiasme. Elle se lève, se rassoit, bondit et se contorsionne à mesure qu’elle évoque son travail. Mise au point à l’occasion d’une carte blanche au Tandem d’Arras/Douai.
Tout commence avec Jan Fabre. À 18 ans, Lisbeth est déterminée à travailler avec lui, et personne d’autre. À peine sortie de l’Institut de ballet d’Anvers elle débarque donc dans son bureau pour qu’il l’engage. Mais le sulfureux artiste lui demande de revenir lorsqu’elle aura fait ses premières armes. Le prenant au mot, quatre ans plus tard (après un cycle de formation dispensé par Anne Teresa De Keersmaeker et un passage chez Wim Vandekeybus), elle passe l’audition pour As long as the world needs a warrior’s soul et insiste : « tu m’as demandé de rappliquer et je suis là, tu ne peux pas me refuser, c’est impossible, il faut que je reste. Il a bien rigolé et il a dit ok. » se souvient Lisbeth.
Ça baigne dans l’huile. Ce coup de force débouche sur une fructueuse collaboration. Aux côtés de Fabre, elle apprend à canaliser son énergie, à dépasser ses limites. Jusqu’au paroxysme en 2004, lorsque son « grand maître » lui taille un solo sur mesure (Quando l’uomo principale è una donna), « un cadeau magnifique ! ». Sur un lac d’huile d’olive, la danseuse joue de son corps, interrogeant les catégories de genres masculin-féminin. La force de cette performance résidait dans ces perpétuels glissements d’un sexe à l’autre, la danseuse se transformait en un être hermaphrodite, un ange asexué.
Tailler dans le vif. Cette expérience lui a donné envie d’écrire. « Ça se battait en moi, j’avais envie d’aller plus loin, de trancher dans la danse, d’enlever tous les mouvements non-nécessaires ». Alors elle se lance en 2006 avec sa propre compagnie, Voetvolk, (« L’infanterie ») désignant « ceux qui font la guerre à pieds et jettent leur corps dans la bataille ». À travers nos créations, il s’agit de contrôler l’incontrôlable, comme la chute, le sentiment de danger ou l’extase, et en tirer une danse parfaitement sculptée ».
Extases. Dans sa dernière pièce, AH/HA, Lisbeth dissèque le fou rire en compagnie -pour la première fois- de plusieurs danseurs: « Le rire c’est contagieux, comme un virus ». Ensemble ils libèrent une palette d’expressions depuis la franche rigolade jusqu’au grotesque monstrueux, « du sourire discret de Mona Lisa jusqu’au cri horrifique de Munch ! ». Elle présente aussi Lisbeth Gruwez dances Bob Dylan, comme une invitation à une seconde partie de soirée, « vous savez, ce moment où les gens traînent une bière à la main et matent le dernier concert. J’aimerais que ce soit un peu libre et rock’n’roll » confie-t-elle dans un sourire. La sélection qu’elle a concoctée pour l’occasion est à son image : brute de décoffrage. De la danse « in your face».
Lisbeth Gruwez dances Bob Dylan Trailer from KVS on Vimeo.
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Programmation complète du 100% Lisbeth Gruwez, du 5 au 7 novembre sur www.tandem-arrasdouai.eu