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La Ritournelle

de Marc Fitoussi
© SND / Mars Distribution

Cette Ritournelle accompagne la dérive d’un couple usé. Brigitte (Isabelle Huppert) et Xavier (Jean-Pierre Darroussin), deux éleveurs normands, mènent une existence routinière. Elle est rêveuse, il est travailleur. Sous prétexte d’un rendez-vous médical, Brigitte prend alors la tangente, direction Paris, sans savoir ce qui l’attend, ni avec qui… Le réalisateur Marc Fitoussi et l’illustre comédienne évoquent cette œuvre douce-amère, naviguant entre l’étrangeté du conte et la tendresse d’une comédie.

Pourquoi avoir situé les personnages en Normandie, dans une exploitation bovine ?
Marc Fitoussi : Brigitte et Xavier auraient pu évoluer dans un autre milieu. Mais je tenais à les inscrire dans une réalité. Pour cela, le monde rural tel qu’il est aujourd’hui est le cadre idéal. Le travail de ce couple est tellement accaparant qu’il prendra conscience de l’ennui après le départ de ses enfants. Leur rythme de vie empêche de découvrir autre chose…

Vous privilégiez la suggestion aux longues explications…
M.F. : Les personnages vivent une crise, mais sans conflit. Je ne voulais pas de scènes ou de dialogues explicatifs. La ritournelle, c’est une manière élégante de désigner la routine. C’est aussi un film assez musical, rythmé, qui brasse de nombreux styles musicaux différents.

Les premières images sont assez vaporeuses. Est-ce une façon de vous rapprocher du conte ?
M.F. : La Normandie nous a inspirés le choix de la lumière et du cadre. Avec ma chef-opératrice Agnès Godard, nous avons cultivé une tonalité anglaise, avec les costumes, la voiture… On a aussi abordé la campagne de manière onirique. La scène de la soirée chez les voisins est un peu surnaturelle. Alors oui, on a un pied dans le conte, et cela m’a plu de jouer avec ces codes. L’arrivée à Paris tranche d’autant plus avec cela : nous débarquons dans le tumulte de la ville.

Cette partie ne renvoie-t-elle pas à la comédie hollywoodienne ?
M.F. : J’ai pensé à Voyage à Deux de Stanley Donen. Brigitte se retrouve un peu comme une américaine à Paris. Le film comporte quelques clichés que nous assumons, comme la grande roue qui paraît quelque peu artificielle. Il y a un petit côté ancien, désuet, que je revendique.

Comment Isabelle a-t-elle rejoint le film ?
Isabelle Huppert : D’abord, j’avais très envie de tourner à nouveau avec Marc. En lisant le scénario, j’ai aimé ce personnage et son regard constamment étonné sur le monde et les gens. Brigitte est sensible, candide, mais pas si sotte, elle renferme une certaine mélancolie. Ces personnages sont modestes, mais on leur offre du romanesque, on les élève au rang de héros de leur propre vie.

Comment abordez-vous un rôle de
comédie ?
IH : J’ai joué des rôles qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. On a tendance à m’associer à des personnages sérieux donc Brigitte peut surprendre. Notamment par son côté malicieux, émerveillé. C’est un don que l’on perd en grandissant !

Comment travaillez-vous ensemble ?
M.F. : Avec Isabelle, on a beaucoup évoqué les costumes. Par exemple, la toque en fourrure dit beaucoup du personnage, de son envie d’être décalée. Pour le reste, il n’y a pas besoin de discuter durant des heures, nous nous comprenons sur un simple mot, un regard.

C’est d’ailleurs la deuxième fois que vous tournez ensemble…
M.F. : J’admire la capacité d’émerveillement d’Isabelle, sa curiosité. C’est une attitude presque adolescente.
I.H. : Mais cela doit nourrir le film. Je me suis intéressée ici à ce que l’on transmet aux enfants. Brigitte comprend son fils, qui veut devenir artiste de cirque. Elle lui a transmis cette capacité à s’envoler. Elle a cette poésie-là. Ils l’ont tous les deux à leur manière, c’est ce qui les rend attachants.

Chronique

Le sujet du flottement au sein du couple peut sembler rebattu. Pourtant, en esquivant autant les clichés que les contorsions psychologiques, Marc Fitoussi (La Vie d’Artiste, Copacabana), nous séduit avec cette parenthèse libératrice. Il rend Xavier le bourru et Brigitte la candide justes et touchants. Un rôle lunaire qui va d’ailleurs comme un gant – ou une toque de fourrure – à Isabelle Huppert. Cette ritournelle qui cultive quelques fausses pistes est une heureuse surprise.

propos recueillis par Audrey Jeamart

Avec Isabelle Huppert, Jean-Pierre Darroussin, Michael Nyqvist, Pio Marmaï, Marina Foïs…
Sortie le 11.06

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