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Franck Bourgeron, Un Regard Moderne

Couverture n°1 © Gipi

Ils se nomment Franck Bourgeron, Sylvain Ricard, Kris, Virginie Ollagnier… En 2011, cette petite troupe a tenté une expérience médiatique originale : traiter de sujets d’actualité par le prisme de la bande dessinée. Un pari osé, mais gagné, au regard du succès remporté par cette autre conception du journalisme. Rencontre avec Franck Bourgeron, le chef de bande (dessinée, forcément).

Quel est le principe de votre revue ?
Au départ, nous sommes un collectif d’auteurs de bandes dessinées souhaitant dépasser le format album et, surtout, renouer avec la tradition des magazines ou des revues. Nous avons affiné notre projet avec le journaliste David Caverné. Au final, on a travaillé deux ans avant de sortir le premier numéro, en septembre 2013.

Fukushima © Emmanuel Lepage

Fukushima © Emmanuel Lepage

Êtes-vous indépendants ?
Nous avons des actionnaires, comme Gallimard. Mais nous détenons 80% du capital de la société qui gère la revue. Ainsi, nous gardons notre indépendance et le contrôle de ce que nous faisons.

Comment choisissez-vous vos sujets ?
Non seulement nous avons pas mal d’idées, mais les contributeurs nous en apportent aussi. Beaucoup de journalistes ne trouvent guère de place pour des papiers d’analyse : rares sont les endroits où l’on peut développer 90 pages sur le gaz de schiste par exemple. Ici, nous jouons un peu les « marieurs » entre un journaliste et un dessinateur. Le premier propose un travail d’investigation et le second l’illustre. Mais certains dessinateurs vont directement sur le terrain. Dans le prochain numéro, nous publions un reportage dessiné de Julien Pollet au siège du FN. Et puis, comme dans une revue classique, certaines chroniques consacrées à la musique, au sport, sont plus « légères ».

Dans quelle mesure intervenez-vous
sur la réalisation graphique ?
Nous avons établi une ligne graphique. Ce qui nous intéresse toujours, en tant qu’auteur de BD, c’est le rapport entre le texte et l’image. C’est pourquoi nous aidons parfois certains auteurs. Récemment, nous avons travaillé avec l’un d’entre eux pour obtenir une représentation graphique et pédagogique des institutions. Cela dit, la revue fonctionne aussi comme un laboratoire. Mieux vaut laisser un maximum de liberté pour que le sujet soit traité de manière sensible.

Le succès a-t-il été immédiatement au rendez-vous ?
Nous avons vendu 20 000 exemplaires de notre premier numéro qui a été édité trois fois. Le réseau des librairies spécialisées, comme des généralistes nous a tout de suite soutenus. Le recours au crowd-funding proposant aux gens de se pré-abonner fut aussi capital. On comptait 400 souscriptions avant même de commencer. Aujourd’hui, nous avons 1 800 abonnés, à raison de 150 nouveaux par mois. Enfin, je crois qu’on a bénéficié d’un bon timing. Les contenus dans la presse s’étiolent et les gens attendent du changement, un autre regard sur le monde. C’est ce que nous leur apportons.

Ne profitez-vous pas aussi de l’intérêt pour les Mooks, à mi-chemin entre le livre et le magazine, comme XXI ou Feuilleton ?
Oui, ces revues ont ouvert la voie à d’autres types de journalisme. Elles réservent d’ailleurs une belle place à la BD et à l’illustration. La différence, c’est que nous écartons tout aspect romanesque ou fictionnel. Nous nous inscrivons dans la réalité et privilégions les histoires personnelles, la vie quotidienne, les faits concrets : la Poste, le gaz de schiste, la vie dans une ferme du Nord-Pas de Calais. Autant de sujets qui sont rarement traités. Une actualité qui se déroule sur un temps long et mérite qu’on s’y arrête.

A Matonge © Jean-Philippe Stassen

A Matonge © Jean-Philippe
Stassen

 

La Revue Dessinée, couverture © Lorenzo Mattotti

La Revue Dessinée, couverture © Lorenzo Mattotti

 

À lire /
La Revue Dessinée, N° 3 en kiosque le 13.03, 230 p., 15€
Rendez-vous avec des auteurs de La Revue Dessinée (Antonin, Allain Glykos et Derf Backderf) au Salon du Livre, d’expression populaire et de critique sociale, le 1er mai à Arras.
Site de La Revue

 

Voir notre portrait de Derf Backderf

François Annycke

Manolis, cover MANOLIS
d’Allain Glykos et Antonin (éd. Cambourakis)

À l’origine, Parle-Moi De Manolis (2005), un roman signé Allain Glykos. Le Bordelais, né en 1948 d’une mère charentaise et d’un père grec, narre la vie de son paternel. À la fin de la Première Guerre mondiale, celui-ci, enfant nommé Manolis, vivait sur la côte ouest de l’actuelle Turquie, où cohabitent Grecs, Juifs, Arméniens et Turcs. Cette paix ne durera pas et le conflit gréco-turc va bouleverser sa vie –, les déplacements, les exils, les survies, les pertes. Ému par cet ouvrage, Antonin se documente énormément – en témoigne le souci du détail –, et prête son trait noir aux évènements cruels de l’Histoire. Dans ce déchaînement, se distinguent deux personnages blancs aux traits enfantins : Manolis et Nerva, une petite fille turque. « Cette invention pour la BD crée un effet miroir », dit Glykos. Ou comment une astuce graphique permet d’émouvoir autant que des mots parfaitement choisis.
192 p., 20€.

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