Grand Central
Au cœur de l'atome
Rebecca ZlotowskiRécemment engagé dans une centrale nucléaire, Gary tombe amoureux de Karole (Léa Seydoux), fiancée d’un de ses collègues… Promenant sa caméra à hauteur d’homme, jouant avec les genres, évoquant les conditions de vie des ouvriers tout en conservant une part de mystère et de non-dits, Rebecca Zlotowski signe un chef-d’oeuvre.
Pour conter cet amour impossible sur fond de réacteur nucléaire, l’ancienne élève de la Fémis multiplie les emprunts aux différents genres. On retrouve ici les codes du grand film d’amour bien sûr, mais aussi du cinéma social – nous sommes au plus près des travailleurs durant le labeur. On aperçoit le thriller, depuis la peur quotidienne des radiations et de l’accident, jusqu’à la réaction appréhendée de Toni, le mari trompé. Et enfin, le western : ce bar aux allures de ranch, cette communauté ouvrière vivotant en mobile-home, ces chansons au coin du feu, ces rivalités et ces amitiés… Cette oeuvre doit également beaucoup à un noyau d’acteurs, dont Tahar Rahim, belle gueule ténébreuse et sous tension révélée dans Un Prophète (2009). À ses côtés, Léa Seydoux, petite chose menue chez tant d’autres, devient bloc de sensualité, femme à la fois fatale et enfant, dépassée par l’ampleur de cette romance. Le reste de la distribution ? À l’avenant, au plus juste, à l’instar d’Olivier Gourmet, vieil ouvrir désabusé, ou Denis Ménochet, en mari trompé mais digne. Et tous ces regards, fatigués ou complices, tous ces mots et ces gestes, amoureux ou laborieux, sont saisis par une réalisatrice attentive au moindre détail.
Tient-on là LE film de l’année ? Sans doute.
Grand Central, de Rebecca Zlotowski
avec Tahar Rahim, Léa Seydoux, Olivier Gourmet, Denis Ménochet, Johan Libéreau…