Home Portrait Richard Coles

Le Miraculé

Révérend Richard Coles (The Communards) © Elisabeth Blanchet

C’est dans les Midlands, à une bonne heure au nord de Londres, que le révérend Richard Coles a sa paroisse. Derrière sa soutane et son air bonhomme, il est difficile de l’imaginer près de trente ans plus tôt en pop-star, aux côtés de Jimmy Somerville dans The Communards. Retour sur un chemin de croix.

« On va s’installer dans la cabane de jardin. On y sera tranquille », propose Richard. L’obsession des Britanniques pour leur « shed » est bien connue… C’est donc devant un feu de bois, entouré de ses quatre chiens et de son compagnon (prêtre lui aussi), que Richard revient sur son parcours : « J’ai grandi tout près d’ici, dans un milieu « middle class ». Ado, je me suis enfui à Londres ». Très vite, il y rencontre Jimmy Somerville, qui a déjà créé Bronski Beat et cherche un  musicien pour l’accompagner lors d’un concert. « On faisait partie d’une sorte de gang, un groupe d’une soixantaine d’homos. Entre autres, on animait des soirées dans un pub d’Islington à coups de disques punk et disco. Et au-delà de la musique, on avait aussi une conscience politique… » Entre le fort taux de chômage, la grève des mineurs, les Falklands, chacun se souvient de ces années comme d’une période propice à la création et au combat. Avec un ennemi de taille au centre : Margaret Thatcher !

Up and down

Richard suit donc Jimmy en tournée le saxo en bandoulière, et ils ne se quittent plus pendant trois ans. Tous les deux amoureux de Paris, ils découvrent le mur des Communards au Père-Lachaise. « Un nom que nous avons récupéré stupidement quand j’y repense… Après tout, on reprenait surtout des hits Motown ». Quoi qu’il en soit, le groupe connaît un succès international, puis se sépare au bout de trois ans. « On ne s’appréciait plus vraiment et nous étions tiraillés par des situations contradictoires : le succès, notre lutte contre la Dame de fer et surtout le sida… » Richard laisse la conversation en suspens. « Notre groupe d’amis a été littéralement décimé par ce virus. Il fallait aussi se battre contre la stigmatisation… ». A la fin des années 80, revenu de la vie en groupe, il voit tout en noir : « Prendre des drogues me semblait la meilleure chose à faire, et ça a duré pendant un an, sans que je réalise vraiment ».

Du choeur à l’ouvrage

Puis soudain, l’ex-Communards qui a aussi un passé d’enfant de choeur, se « reconnecte » à l’église. Par hasard, alors qu’il est à Edimbourg, il aperçoit de la lumière dans la cathédrale et reconnaît un de ses chants religieux favoris. « Je suis entré, j’ai rejoint les gens pour chanter. Quelque chose s’est produit », confie-t- il. Cependant, il faudra encore une dizaine d’années avant de franchir le pas de l’ordination. Une décennie durant laquelle il mène une belle carrière de journaliste, éditorialiste à la radio. Pour la BBC, il anime des magazines pour les jeunes puis d’autres, dédiés à l’art.

Richard est finalement ordonné en 2005. Depuis, il n’a jamais douté de l’existence de Dieu, mais constamment de lui-même. « Je ne suis pas un très bon prêtre et je suis un très mauvais Chrétien », confesse-t-il. Désormais, une autre passion le gagne : celle d’écrivain. Il vient de publier son troisième ouvrage, Fathomless Riches. Et poursuit à tous les niveaux son combat contre les inégalités : « Je défends toujours l’homosexualité au sein de l’église. Aujourd’hui, la position du clergé est plus doctrinale et refuse le mariage gay alors que les Britanniques l’ont adopté sans faire de vagues…». Cette double carrière permet à Richard de « mettre son grain de sel », de donner un autre son de cloche, grâce à des écrits et des émissions très suivis. Et, contrairement à il y a 25 ans, ce personnage pas si orthodoxe sait exactement ce qu’il veut : du temps. Avant de rejoindre bien plus tard un petit cottage sur la côte ouest de l’écosse. Avec son compagnon et ses chiens.

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Bio express

Début des années 80 : Il rejoint un groupe nommé « Alternative Gay Scene » par certains sociologues. Boy George en fait aussi partie.

1983 : Il accompagne Jimmy Somerville lors d’un concert caritatif dont le but est de collecter des fonds pour un village de mineurs du Pays de Galles en grève. Cette histoire a inspiré le film Pride, de Matthew Warchus.

1985 : Création de The Communards et sortie du single You are my world.

1986 : reprise de Don’t Leave Me This Way de Harold Melvin and the Blue Notes, dans un style très Hi-NRG. Single le plus vendu de l’année au Royaume-Uni.

1988 : Fin de The Communards

2005 : Richard est ordonné Prêtre de l’église Anglicane.

 

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Texte & Photos Elisabeth Blanchet

A lire / Autobiographie de R. Coles : Fathomless Riches : Or How I Went From Pop to Pulpi, Weidenfeld & Nicolson, 288 p.

A écouter / The Best of Bronski Beat, The Communards & Jimmy Somerville, 2001, London Records.

A voir / Pride, de Matthew Warchus, sortie DVD le 21.01.2015, Pathé, 19,99€

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