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La rentrée des Vikings

© Seljord Folkehøgskule

Eh bien voilà, c’est la rentrée… Alors que des millions d’étudiants inaugurent une année scolaire plus ou moins passionnante, de jeunes Norvégiens ont choisi une formation de… Vikings ! Certes, ils n’échapperont pas à quelques cours d’histoire ni même à l’uniforme (plutôt particulier), mais durant un an, ils vont vivre au jour le jour comme leurs ancêtres. Au programme : forge à l’ancienne, travail du bois, du textile, tir à l’arc, fabrication de pain, pilotage de drakkar… Plus exaltant que les maths, n’est-ce pas ?

Aujourd’hui, à la Folkehøgskule de Seljord, on apprend à monter une tente. Pas avec des sardines en métal, des cordons en nylon ou des toiles se déployant toutes seules, non. Plutôt à l’aide de gros piliers en bois, de maillets et de tissus antédiluviens… à l’ancienne, quoi. Ce spectacle de jeunes hommes et femmes s’échinant en tenue traditionnelle (vêtements de lin et laine, parfois relevés de galons), rappelle volontiers une scène de Game of Thrones. Mais le bruit d’une perceuse nous ramène vite à la réalité : nous sommes bien au début du XXIe siècle. Plus précisément en Norvège, à 150 km d’Oslo.

Do it yourself
Perchée sur les collines du pittoresque comté de Telemark, cette “école communautaire” est un établissement intermédiaire entre le lycée et l’université. Ses étudiants suivent un cursus unique en Norvège. Même si le bois et les outils proviennent du magasin de bricolage du coin, les techniques dispensées sont bel et bien celles des aïeux de cette quinzaine de novices. Mais pourquoi un tel enseignement ? « Le directeur de l’école de Seljord avait remarqué un déclin pour les formations manuelles, alors il a eu l’idée de monter cette classe », raconte Jeppe Garly, professeur de “culture Viking”. Les frais de scolarité s’élèvent à 11 000 euros par an, dont une partie est financée par l’état selon les revenus de chacun. Et dès la première rentrée, en 2015, le succès fut au rendez-vous. « L’idée était d’associer artisanat et histoire. On apprend à nos étudiants à couler le bronze, fabriquer des bijoux, des objets en bois, des perles de verre, des couteaux… On leur montre aussi comment travailler le cuir ou sécher les plantes, les légumes et la viande », précise Jeppe.

Pas si barbares
Miser sur les Vikings n’a rien de farfelu en Norvège. Du VIIIe au XIe siècles, ils dominaient les environs de Seljord, la Scandinavie et bien au-delà, s’invitant jusqu’aux côtes de Normandie, d’Angleterre ou du Portugal. Mais contrairement à l’image d’épinal, les envahisseurs et les pilleurs ne représentaient qu’une petite partie de ce peuple germanique. « La plupart des Vikings restaient chez eux, en famille et vivaient de leur artisanat. Ils étaient d’ailleurs de très bons commerçants », explique Jeppe. Selon lui, cette ère compte beaucoup pour les Norvégiens. Le jeune Thor Eriksen, 18 ans, confirme : « Je connais les noms de mes ancêtres depuis 40 générations. Je me suis inscrit ici pour partager un peu leur expérience. Et puis, si j’en retiens quelque chose d’utile pour plus tard, c’est du bonus ».

© Seljord Folkehøgskule

© Seljord Folkehøgskule

Jeux de mains
Au regard de l’éventail d’activités proposées, on imagine mal Thor quitter le navire sans quelques cordes à son arc ! Conception du pain, pilotage de drakkar avec des rames, lancer de haches… « Nous menons aussi beaucoup de recherches archéologiques, nous farfouillons dans les histoires et les légendes », poursuit Jeppe. Pour lui, la réussite de cette école tient à cette combinaison entre travail manuel et théorie issue d’un savoir-faire ancestral : « Je crois qu’une partie de notre intelligence est canalisée dans nos mains. En cela, nous avons tendance à être de plus en plus stupides… Nous souhaitons que nos étudiants deviennent plus habiles avec les leurs ».

Quels sont les débouchés ? Il ne s’agit là que d’une année intermédiaire dans le cursus norvégien mais, parmi les anciens, certains sont devenus guides de musée, forgerons, constructeurs de bateaux, quand d’autres étudient l’histoire ou l’archéologie à l’université. « On ouvre aussi des portes sur un mode de vie plus authentique. Un nombre croissant de jeunes adhère à cette démarche, et pas seulement en Norvège ». Alors, à quand une “licence Gaulois” dans nos contrées ?

Texte : Elisabeth Blanchet / Photo : © Seljord Folkehøgskule
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