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Les ailes du désir

Wim Vandekeybus © Danny Willems

Avec la création d’In Spite of Wishing and Wanting (littéralement : « malgré le désir et la volonté »), Wim Vandekeybus a renversé la table en 1999. En s’appuyant sur un nouveau langage scénique, mêlant théâtre, danse et vidéo, cette oeuvre a bouleversé les spectateurs. Elle se penche sur le désir qui ronge un monde peuplé d’hommes. Sur scène, les comédiens galopent tels des animaux sauvages accompagnés par une musique signée David Byrne (Talking Heads). La pièce est aussi soutenue par un film, The Last Words, inspiré de nouvelles de Julio Cortázar. Celui-ci raconte les étranges magouilles d’un vendeur de mots et d’un tyran. Wim Vandekeybus ressuscite aujourd’hui son spectacle culte. Entretien avec un chorégraphe passionnant, éminent représentant de cette « vague flamande » née dans les années 1990.

Quelle fut votre jeunesse ?
Je suis né dans une famille de six enfants, mon père était vétérinaire et ma mère femme au foyer. Nous tenions une ferme où vivaient toutes sortes d’animaux. J’ai vécu une enfance pleine d’aventure où je suivais mon père dans son travail. J’en ai vu des vertes et des pas mûres.

C’est-à-dire ?
Mon père m’emmenait par exemple en pleine nuit avec lui pour aider la truie à mettre bas ses porcelets, ce que j’exécutais facilement vu que j’avais de plus petites mains.

Comment êtes-vous devenu artiste ?
J’ai étudié la photographie et la psychologie. J’ai aussi fait du théâtre puis auditionné pour Jan Fabre qui m’a donné le rôle du roi nu dans The Power of Theatrical Madness. J’ai ensuite monté ma propre compagnie, Ultima Vez, pour créer What The Body Does Not Remember. Je n’ai jamais suivi de cours de théâtre ni de danse… Mais c’est peut-être grâce à cela que nous avons bousculé cette discipline et surpris le public avec un format novateur, en tout cas à l’époque.

Comment décririez-vous In Spite of Wishing and Wanting ? Quel est son sujet ?
Le désir. Humain, masculin. Pas nécessairement pour la gent féminine mais en général, cette volonté de tout posséder. Le désir est fugace, mais nous en jouons en nous volant les uns les autres. La question est de savoir comment transposer cela sur scène ou dans un film. Celui qui accompagne le spectacle montre un vendeur de mots, il monnaye un bien commun, immatériel.

Justement, à quoi ressemble ce film que vous avez aussi réalisé ?
Il est très surréaliste, comme chez Fellini où onirisme et réalité se confondent. Il est comme un rêve que partageraient les 11 comédiens sur scène. Leurs plus profondes envies se manifestent durant leur sommeil. Ils dansent endormis, ainsi leurs corps expriment leurs désirs intérieurs.

Que voit-on sur scène ?
Une abondance d’énergie et de fantaisie au sein d’un groupe de performers masculins qui sont tour à tour des chevaux, des dormeurs, des parleurs sans mots, des amis, des combattants, des rêveurs.

Pourquoi n’y a-t-il que des hommes dans ce spectacle ?
Je ne voulais pas que le désir se limite à celui des hommes vis-à-vis des femmes, je souhaitais plutôt un groupe homogène au sein duquel nous pourrions évoquer un monde secret, intérieur, que nous partageons.

Quelle est la place de cette pièce dans votre parcours ?
Elle est centrale parce qu’un film a été réalisé et utilisé intégralement pour l’occasion, parce que David Byrne a composé la musique. C’est aussi devenu une pièce de référence dans la recherche sur le mouvement.

Pourquoi revisiter ce spectacle créé en 1999 ? Quelles modifications lui apportez-vous ?
Après What The Body Does Not Remember nous voulions réaliser une autre reprise et notre choix s’est porté sur cette œuvre. Je voulais la rafraîchir mais nous l’avons quasiment gardée en l’état ! Il faut dire qu’elle avait été jouée 121 fois dans sa première version, et qu’elle était bien construite. Nous sommes heureux de voir qu’elle n’a pas pris une ride.

Plus généralement, comment décririez-vous votre travail ?
Je dirais qu’il s’agit d’un travail poétique, teinté de surréalisme, d’extravagance et d’une fantaisie propre à l’enfance.

Que représente La Rose des Vents pour vous ?
C’est un endroit magnifique où on me soutient depuis le début. J’aime toujours autant m’y produire. C’est une salle vivante avec de vraies personnalités, pas une simple institution.

Quels sont vos projets ?
Une nouvelle pièce qui sera prête en avril 2017 et dont le titre est Mockumentary of a Contemporary Saviour en coproduction avec l’IRCAM*, donc attendez-vous à beaucoup de musique ! Je travaille aussi sur un livre de photographies qui sortira en octobre et regroupera les phases clés de mon parcours.

* L’Institut de recherche et coordination acoustique / musique.

propos recueillis par Julien Damien
Informations
Villeneuve d'Ascq, La Rose des Vents

Site internet : http://www.larose.fr

In Spite of Wishing and Wanting  29.09.2016>30.09.2016 jeu : 19 h, ven : 21 h, 21 > 6 €
In Spite of Wishing and Wanting 
Courtrai, Schouwburg Kortrijk

Site internet : http://www.schouwburgkortrijk.be

In Spite of Wishing and Wanting  23.09.2016>30.09.201620h15, 28>15€
In Spite of Wishing and Wanting
Amiens, Maison de la Culture d'Amiens

Site internet : http://www.maisondelaculture-amiens.com

Pour les Expositions : Ouverture du mardi au samedi de 13h à 19h, en continu les soirs de spectacles. Le dimanche de 14h à 19h.

In Spite of Wishing and Wanting 13.12.2016>30.09.201620h30, 29>13€
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