Home Best of Jean-François Sivadier

Le monde sur un plateau

© Frédéric Iovino

Le milieu du spectacle, et les planches, brûlent pour cet homme discret –un metteur en scène n’est pas tenu de toujours camper l’homme de théâtre pour en imposer. à l’approche de son épreuve combinée lilloise (le Barbier de Séville à l’Opéra, et le Misanthrope au Théâtre du Nord), acceptera-t-il de revenir sur son glorieux parcours ? Le théâtre n’est pas une course aux honneurs, et ce n’est pas un personnage qui nous accorde cet entretien. C’est, entre deux répétitions, Jean-François Sivadier. Soit : la personne chargée de servir au mieux « le mouvement des oeuvres »…

Vous êtes très sollicité. À Lille, vous êtes simultanément au théâtre et à l’opéra. Ne craignez-vous pas le surmenage ?
Qu’il s’agisse de l’écriture, de la mise en scène ou de la comédie, je raconte des histoires. Aborder ce travail de différentes manières régénère.

Comment définiriez-vous votre travail de mise en scène ?
Je travaille à partir des comédiens et j’évacue les personnages, afin de ne pas coller à l’idée que l’on se fait des rôles. Pour sortir du discours « Carmen, elle est comme ça, alors il faut que tu sois comme ça… », je pousse les acteurs à incarner un mouvement qui tient à la personnalité du chanteur ou du comédien. Parce que Carmen n’existe pas autrement.

Comment les comédiens abordent-ils concrètement les personnages ?
Je ne pars pas de l’idée qu’Alceste est admirable ou pathétique. Et au fur et à mesure que le travail avance, je m’aperçois même qu’Alceste n’est pas un personnage, mais plutôt une suite de comportements qu’on est tous amenés à avoir dans la vie quotidienne. Le Misanthrope concentre toutes les contradictions humaines. Et Le Barbier contient surtout une tension vers la joie, comme les grandes comédies musicales américaines. La vraie profondeur de l’oeuvre se situe dans le travail de Rossini.

Les textes n’imposent-ils pas de s’appuyer sur une construction psychologique ?
Les auteurs travaillent avec de la langue et du mouvement. La psychologie n’est qu’une projection. Ainsi, le chanteur se préoccupe davantage du chef d’orchestre que de savoir pourquoi à tel moment sa « psychologie » voudrait qu’il chante de telle ou telle manière !

Comment diriger, en l’absence de ces repères habituels ?
J’ai beau être perfectionniste, je tente de rendre les choses les plus fragiles possible, d’exposer les acteurs au maximum, de les confronter à leurs faiblesses. D’où la simplicité des décors où ils évoluent : jamais le décor ne doit paraître plus important qu’eux. C’est un outil que les comédiens manipulent et habitent.

Apprécient-ils cet exercice d’équilibriste ?
Amener un chanteur, qui n’est pas un comédien, à faire vivre l’espace en dehors du temps de la musique représente un vrai risque pour lui… Dans La Traviata, par exemple, le plus difficile pour Nathalie Dessay fut d’entrer en scène en regardant le public dans les yeux. Je prends énormément de risques avec le corps des chanteurs. Mais ça les stimule.

Le Barbier de Séville sera diffusé dans neuf villes du nord de la France et de Belgique, sur Arte et France Inter. Déborder le fidèle public de l’opéra était-il au coeur du projet ?
Non, ça s’est présenté ensuite. Mais j’en suis ravi. Une des raisons d’être de ce métier, c’est quand un retraité vient vous voir bouleversé parce que Le Roi Lear lui a ouvert tout un monde alors qu’il n’avait jamais mis les pieds au théâtre. Je souhaite que l’enfant de dix ans et le retraité, qui ne penseront pas les mêmes choses du spectacle, se sentent embarqués dans la même aventure.

propos recueillis par François-Xavier Beague
Informations
Lille, Théâtre du Nord

Site internet : http://www.theatredunord.fr/

>09.05.201320h sf jeu., 19h et dim., 16h, 25>3€

Le Barbier de Séville, Lille, Opéra de Lille, 14.05>02.06, Complet !
// 18.05, Sur grand écran, Place du théâtre, Lille, gratuit // Et aussi à Armentières, Courtrai (BE),
Dunkerque, Hazebrouck, Lomme, Montreuil-sur-Mer, Saint-Omer et Valenciennes, www.opera-lille.fr
Et en simultané sur France Inter et ARTE Live Web

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