Nick Cave and the Bad Seeds
De l'ombre à la lumière
Creuser son sillon tout en se réinventant, garder un contact sensible avec un public de plus en plus large, et transfigurer les douleurs de l’existence : le parcours artistique de Nick Cave est sans équivalent. De retour sur la (grande) scène avec ses “mauvaises graines”, que nous réserve le Roi vénéneux ?
Il se passe quelque chose d’étrange et d’indéfinissable autour des concerts de Nick Cave & the Bad Seeds. D’abord, et ce n’est pas nouveau, il y a cette phénoménale intensité, qui a toujours fait de Cave l’un des authentiques héritiers d’Elvis, en termes de présence scénique et de magnétisme bigger than life. Et puis il y a ce glissement plus récent, qu’on aurait pu croire fatal, de salles à dimensions encore humaines vers d’énormes machines aux gradins infinis – et aux tarifs prohibitifs, hélas. Or les épreuves intimes, terribles, subies par l’Australien ces dernières années (la disparition de deux de ses fils) ont aussi transformé son rapport au public, en infléchissant fatalement son travail d’artiste.
En communion
Le corbeau qui prêche l’apocalypse tel un crooner punk hiératique est devenu un homme aux plaies ouvertes croyant autant en Dieu qu’aux vertus consolatrices de la musique. Aussi, il réalise (au moins) ce miracle : transformer des hangars pachydermiques en espaces intimes de communion. Après un deuil métamorphosé par les nappes de Warren Ellis sur le chef-d’œuvre Ghosteen, le récent et luxuriant Wild God (ses chœurs gospels extatiques, les basses vibrantes de Colin Greenwood) annoncent des shows résolument tournés vers la lumière. Nick Cave a peut-être assisté au couronnement de Charles III, mais il ne fait aucun doute que le vrai King, c’est lui.