Anhell69
No futuro
« Je suis tombé amoureux du cinéma car c’était le seul endroit où je pouvais pleurer », confie d’une voix presque éteinte Theo Montoya. Pour son premier long-métrage, le jeune cinéaste érige le tombeau de sa génération, victime d’une violence dont les racines plongent loin dans la société colombienne.
Dans une Medellín dirigée par Pablo Escobar où les cimetières débordent, vivants et fantômes nouent à leurs risques et périls des relations érotiques. Ce scénario, Theo Montoya ne l’a pas tourné. Du moins pas comme il l’avait prévu. Le jeune garçon qui devait en tenir le rôle principal, Camilo Najar, est mort peu après une séance de casting. Anhell69 tient donc de la ruine et de l’hommage. Traversé par une voix-off à la première personne, le film alterne montage d’archives, fiction, journal intime et rêverie funèbre. À l’image d’une ville cernée par les montagnes, la jeunesse de Medellín s’y découvre sans horizon. Elle n’est toutefois pas sans ressources, et c’est l’un des aspects bouleversants de l’œuvre que de faire se côtoyer la nudité des entretiens face-caméra avec des scènes saturées de musique, de couleurs et de maquillages.
Transcinéma
Pour l’essentiel élevé.es par des femmes, les ami.es de Montoya essaient de s’arracher aux déterminismes en brouillant les identités sexuelles et de genre. Le cinéaste lui-même revendique une esthétique « trans » qui ne serait réductible à aucune catégorie. Anhell69 trouve là une source d’énergie à la fois poétique et polémique. Le nihilisme parfois affiché n’est pas une pose, mais une forme de révolte larvée, qui peut se muer comme en 2021 en d’intenses mouvements de protestation. Le film même s’offre ainsi comme un cri et comme une caresse.
De Theo Montoya, avec Alejandro Hincapié, Camilo Machado, Alejandro Mendigana… Sortie le 29.05