Il fait nuit en Amérique
Présences animales
Ancienne étudiante du Fresnoy de Tourcoing, Ana Vaz filme sa ville natale de Brasília comme un territoire hybride. Sous son regard, la capitale brésilienne devient à la fois refuge et prison pour des animaux sauvages chassés de leur habitat par le développement urbain et la monoculture.
Brasília, à perte de vue. La caméra pivote sans qu’une brèche n’apparaisse dans la muraille urbaine, empilement de gratte-ciels semblant repousser au loin les montagnes. Au vrombissement d’un avion se substituent bientôt des martèlements métalliques, des râles inquiétants, des grondements interminables, toute une jungle de sons féroces. Cela pourrait être la fin d’une agonie ou le début d’une révolte. Essentiellement tourné dans le zoo de la mégalopole, avec de la pellicule 16 mm périmée, le premier long-métrage d’Ana Vaz plonge la capitale brésilienne dans une “nuit américaine”. À travers ce filtre bleuté, un autre monde se dévoile. Singes, tapirs, tamanoirs ou serpents tentent de se frayer un chemin dans la ville. La cinéaste renverse les codes de l’éco-terreur, ce genre dans lequel de vilaines bébêtes menacent le monde, pour interroger la place aujourd’hui accordée aux “animaux non-humains”. Ceux-ci sont devenus des exilés. Au mieux, des réfugiés. L’approche documentaire croise des gestes volontiers expérimentaux. De longs plans nous font sillonner une étendue frôlant l’abstraction, quasiment réduite aux constellations de feux tricolores. Il fait nuit en Amérique dépeint ainsi l’environnement urbain sous un autre angle, un poil plus sauvage.
Documentaire d’Ana Vaz. Sortie le 21.02