Next Festival
Jeux sans frontières
Dans la langue de Shakespeare, Next signifie à la fois “suivant” et “proche”. Voilà qui résume bien l’essence de ce festival. Durant trois semaines, une quarantaine de spectacles disséminés dans une douzaine de villes soulève des préoccupations bien contemporaines. Et révèle des artistes émergents ou des formes scéniques toujours plus innovantes.
Pas de thèmes imposés ici, mais des interrogations qui surgissent naturellement, pour viser juste. Cette 15e édition du Next Festival n’est ainsi pas avare de sujets de société, à commencer par le patriarcat, mis (littéralement) en pièce par la Winter Family. Durant le confinement, la performeuse Ruth Rosenthal a noté toutes les assertions sexistes (conscientes ou pas) de son compagnon, le musicien Xavier Klaine. Le couple en a fait la matière première d’un spectacle glaçant sur la domination masculine… Pas de discriminations dans L’Âge d’or, où tout le monde est de corvée de courses ! Enfin, Igor Cardellini et Tomas Gonzalez nous convient dans un centre commercial… mais pour une visite guidée. Équipés de casques audio, les participants auscultent ce fleuron du capitalisme à la manière d’archéologues, histoire de décaler d’un poil notre regard sur la consommation de masse.
Sur écoute
Au fil de cette programmation, il sera aussi question d’héritage, de carnaval ou encore de musique, discipline plus présente qu’à l’habitude. Si celle-ci adoucit les moeurs, elle révèle aussi pas mal de choses, par exemple sur le storytelling de nos gouvernants. Dans Playlist Politique, Émilie Rousset rejoue non sans humour quelques scènes restées célèbres, de la marche triomphante d’Emmanuel Macron sur l’Ode à la joie aux adieux punk d’Angela Merkel, rythmés par Nina Hagen. Une performance sur la ligne de crête, évidemment.
La Preuve par 7
Les Enfants terribles
(Phia Ménard & Emmanuel Olivier)
Les Enfants terribles, c’est le grand roman de Jean Cocteau sur l’adolescence. Publiée en 1929, l’oeuvre raconte l’histoire de deux orphelins, un frère et une soeur, livrés à eux-mêmes. Loin du regard des adultes, ils vont bâtir leur propre monde, réduit à leur chambre close et désordonnée. Une microsociété emplie de rêves, de désir, de jalousie mais aussi de jeux cruels… En 1996, ce huis-clos passionnel inspira un opéra de chambre dansé à Philip Glass. Phia Ménard et Emmanuel Olivier s’emparent à leur tour du classique. On retrouve Paul et sa soeur Elisabeth, le “bad boy” Dargelos et d’autres enfants terribles. Sauf qu’ici, les protagonistes ne sont plus de jeunes gens… mais des personnes âgées. Elles aussi vivent à l’écart du monde, en l’occurrence dans un Ehpad, mais n’en sont pas moins désirantes et émerveillées. Sur un plateau mobile, au fil de 20 scènes jouées dans un mouvement constant, quatre artistes lyriques, un comédien et trois pianistes redonnent vie à ces drôles de jeux amoureux. Un spectacle total entre théâtre, chant, danse et musique répétitive, et une ode à la jeunesse éternelle.
>> Tourcoing, 26 & 27.11, Théâtre municipal Raymond Devos, sam : 17h • dim : 15h30, 21 > 6€ // Dunkerque, 01 & 02.12, Le Bateau Feu, jeu : 20h • ven : 19h, 15€
Do the Calimero
(Lies Pauwels / LOD Muziektheater)
« C’est vraiment trop injuste », se plaignait le pauvre Calimero. Lies Pauwels offre un exutoire à tous les petits poussins noirs. Et quoi de mieux que le carnaval pour entrer en dissidence ? L’artiste flamande met en scène cette fête populaire où tout est permis, invitant sur le plateau des personnalités atypiques – trop petit ou pas assez mince… Mêlant danse, théâtre et musique, elle prend un malin plaisir à chahuter les normes – et à réhabiliter l’imperfection !
>> Lille, 17 & 18.11, Le Grand Bleu jeu : 19h • ven : 20h, 15 > 6€
10 000 gestes
(Boris Charmatz)
C’est une « forêt chorégraphique », pour reprendre les termes de Boris Charmatz. Dans cette pièce créée en 2017, le Savoyard met en scène 25 interprètes effectuant 10 000 gestes, empruntés à la vie quotidienne, professionnelle et à bien d’autres répertoires non-académiques. Des mouvements souvent improvisés, non synchronisés et disparus aussitôt qu’exécutés, comme une célébration de l’éphémère. L’essence du spectacle vivant, en somme.
>> Lille, 18 & 19.11, Opéra, ven : 20h • sam : 18h 21 > 6€
One Song
(Miet Warlop / NTGent)
Après Mystery Magnet ou Big Bears Cry Too, Miet Warlop transforme cette fois la scène… en gymnase musical. Dans un rectangle entouré de tribunes, 12 performeurs se lancent dans un concert des plus athlétiques. Ici une violoniste joue en équilibre sur une poutre, là un claviériste saute pour atteindre ses touches… et tous répètent en boucle la même chanson, sous les vivats de supporters déchaînés. Un spectacle-marathon époustouflant.
>> Deinze, 18.11, Leietheater, 20h, 21 > 6€
The Line is a Curve
(Kae Tempest)
Kate Tempest s’appelle désormais Kae Tempest, affirmant sa non-binarité. Dans The Line Is a Curve, cette figure des lettres anglaises s’émancipe de toutes contraintes, de genre mais aussi artistiques. « Moins de pression, plus de débit, s’il te plaît laisse-moi lâcher prise », entend-on par exemple dans More Pressure, une ode à la liberté mêlant boucles électroniques et ce spoken word typique. Sur scène, l’artiste donne tout son sens à la définition même du mot rap : rhythm and poetry.
>> Roubaix, 19.11, La Condition Publique, 20, 21€
Silent Legacy
(Maud Le Pladec feat. Jr Maddripp)
Maud le Pladec poursuit le travail initié avec Counting Stars With You, pièce dans laquelle elle interrogeait la sororité et la place des femmes dans l’histoire. Cette fois, elle met en scène deux figures qu’à priori tout oppose : Adeline Kerry Cruz, prodige du krump âgée de 8 ans, et la danseuse contemporaine Audrey Merilus. En confrontant ces deux pratiques et parcours bien distincts, la chorégraphe révèle leur héritage commun, dans un portrait-croisé intense et sensible.
>> Tourcoing, 29 & 30.11, Théâtre l’Idéal, mar : 20h • mer : 18h, 15 > 6€
Une Nuit entière
(Tatiana Julien & Anna Gaïotti)
Dans AFTER, Tatiana Julien dépeignait un monde au bord de l’effondrement. Elle revient ici avec une forme plus intimiste en s’associant avec la chorégraphe et écrivaine Anna Gaïotti. Dans un espace circulaire, entourées par le public, elles livrent un poème dansé sur le corps de la femme. Accompagné par des notes de synthé et habillé d’une pénombre nocturne, ce duo presque siamois livre une performance aussi troublante que sensuelle.
>> Valenciennes, 29.11, Le Phénix, 20h30, 10/5€ Roubaix, 01.12, Théâtre de l’Oiseau-Mouche, 20h, 10 > 6€
Programme / 10.11 : Éric Minh Cuong Castaing & Shonen – Phoenix // 11 & 12.11 : Marco da Silva Ferreira – Carcass, Jonas Chéreau – R É V E R B É R E R. // 12.11 : Pol Pi & Solistenensemble Kaleidoskop – It’s In Your Head // 13.11 : Reut Shemesh – Atara. For you, who has not yet found the one // 15.11 : Berlin – The Making of Berlin // 15 & 16.11 : Fanny De Chaillé– Une Autre histoire du théâtre // 15 > 17.11 : Katerina Andreou – Mourn Baby Mourn // 17 & 18.11 : Lies Pauwels – Do the Calimero // 17 > 19.11 : Igor Cardellini et Tomas Gonzales – L’Âge d’or // 18.11 : Miet Warlop – One Song // 18 & 19.11 : Boris Charmatz – 10 000 gestes // 19.11 : Kae Rempest – The Line Is a Curve // 20.11 : Cristina Carvalhal & Raquel André – Set the Table // 20 & 21.11 : Yasmeen Godder Company – Practicing Empathy #1 & #2by2 // 22.11 : Sebastian Matthias – Urban Creatures // 22 & 23.11 : Émilie Rousset & John Corporation – Playlist Politique // 23.11 : Betty Tchomanga – Leçons de ténèbres // 24.11 : Igor Cardellini et Tomas Gonzales – L’Âge d’or // 24 & 25.11 : Winter Family – Patriarcat, Herman – Bite Me // 25.11 : Kim Snauwaert & Anyuta Wiazemsky Snauwaert – A Number of Contradictions, Ignorances and Oddities // 26.11 : Igor Cardellini et Tomas Gonzales – L’Âge d’or, Stephanie Kayal & Abed Kobeissy – Galactic Crush, Anna Gaïotti & vierge noir e – A Kiss Without Lips // 26 & 27.11 : Phia Ménard & Emmanuel Olivier – Les Enfants terribles // 28 & 29.11 : Juan Dominguez – Rhythm Is The Place // 29 & 30.11 : Maud Le Pladec feat. Jr Maddripp – Silent Legacy // 29.11 & 01.12 : Tatiana Julien & Anna Gaïotti – Une Nuit entière // 01 & 02.12 : Phia Ménard & Emmanuel Olivier – Les Enfants terribles, Antoine Baehr – Le Chant du psuychophone // 02.12 : Marlene Monteiro Freitas – Ôss