Freitag aus Licht
Et la lumière fut
Depuis sa création à Leipzig en 1996, Freitag aus Licht de Karlheinz Stockhausen n’avait jamais été monté. L’Opéra de Lille offre ainsi la deuxième représentation d’une œuvre totale qui veut rendre visible la musique. Ce tour de force est ici mis en scène par Silvia Costa, sous la baguette du chef d’orchestre Maxime Pascal. A ne pas manquer !
Précurseur de la musique électronique, Karlheinz Stockhausen (1928-2007) a passé quasiment 30 ans de sa vie à composer Licht (“lumière”, dans la langue de Goethe) soit un opéra en sept parties, chacune consacrée à un jour de la semaine. On parle ici de près de 30 heures de musique cumulées, et de la plus grande pièce lyrique… « Cette œuvre n’a jamais été jouée dans son ensemble et il y a eu peu de représentations de ses épisodes », souligne Maxime Pascal, qui en a déjà monté quatre, dont ce Freitag aus Licht exceptionnellement programmé à l’Opéra de Lille. « Cette partie rassemble Ève et Lucifer. On assiste à la fois à leur union et à leur dichotomie à travers de nombreuses oppositions : entre le jour et la nuit, l’homme et la femme, l’humain et l’animal, l’homme et la machine… Ces contrastes vont créer l’humanité, la vie, mais aussi la guerre et la mort », explique le cofondateur de l’orchestre Le Balcon.
Expérience sensorielle
Freitag aus Licht (ou Vendredi de lumière) est une œuvre totale, qui réunit sur le plateau musiques acoustique et électronique, chant d’adultes et chœur d’enfants, orchestre, danse et théâtre. Notons que Karlheinz Stockhausen a écrit la partition, le livret, toutes les séquences théâtrales et la chorégraphie. Son ambition ? Rendre visible la musique dans une expérience sensorielle aussi complète que magistrale. Son œuvre se nourrissait de sa propre vie (lui qui fut traumatisé par la guerre ou la perte de ses parents) et notamment par les nombreux voyages qu’il a réalisés en Asie ou en Afrique, les différentes cultures qu’il a côtoyées durant la deuxième partie de son existence.
Pour le compositeur allemand, le salut des humains passe ainsi par l’art. « Le résultat est hors norme, musicalement et visuellement, avec des personnages évolutifs et hybrides entre humain, animal et machine, comme dans un grand rêve surréaliste ou dadaïste dont le final est une grande spirale chorale montant vers le ciel et la lumière », poursuit Maxime Pascal, qui souhaite s’emparer de chacun des sept opéras composant Licht d’ici à 2025, et surtout présenter l’œuvre intégrale (29 heures d’opéra !) trois ans plus tard. Il est officiellement accueilli avec Le Balcon en résidence d’artiste, à partir de cette année, dans la capitale des Flandres. Une bonne nouvelle, assurément.