Les Yeux rouges
Zéros sociaux
Roman remarqué de la rentrée littéraire 2019, Les Yeux rouges (Seuil) de Myriam Leroy est adapté au théâtre, à Bruxelles. On retrouve la journaliste et autrice belge à l’écriture, la comédienne Véronique Dumont à la mise en scène, et toujours le même propos acéré sur les ravages de la haine en ligne.
« Il s’appelait Denis. Il était enchanté. Nous ne nous connaissions pas. Enfin, de toute évidence, je ne le connaissais pas, mais lui savait fort bien qui j’étais ». Les premiers mots du roman sont aussi ceux du personnage féminin de la pièce. « Dans mon texte, l’histoire passe par le prisme de la narratrice qui régurgite tout ce qu’on lui vomit dessus, explique Myriam Leroy. Olivier Blin, le directeur du théâtre de Poche, m’a proposé de créer un deuxième personnage. » Charge donc à Vincent Lécuyer d’incarner Denis, l’admirateur insistant qui, au fil de likes et de messages Facebook lourds d’émojis “clin d’oeil”, se transforme en harceleur. Jusqu’à publier sur ses réseaux des photomontages dégradants de sa victime, une chroniqueuse en vue qui portera plainte, entre deux crises d’urticaire… Myriam Leroy ne l’a jamais caché, l’histoire des Yeux rouges est la sienne. Les dialogues lunaires avec l’entourage qui minimise, l’errance médicale virant au burlesque ou les courriers du procureur classant l’affaire sont tirés de son vécu. La scénographie, épurée et oppressante « comme un ring », donne encore plus de puissance à cette oeuvre rappelant que lorsque les femmes parlent, la société n’est pas toujours prête à écouter.