L’Insensible
Les maux bleus
Grand Prix du dernier Arras Film Festival, L’Insensible est un thriller d’une grande noirceur doublé d’une oeuvre politique. En filmant l’histoire d’un gamin atteint d’une maladie grave, Ivan I. Tverdovsky dresse le portrait d’une Russie gangrénée par la corruption. Du cinéma coup de poing !
Dans Zoologie (2016), Ivan I. Tverdovsky s’intéressait à une jeune femme voyant une queue lui pousser au bas du dos. Avec L’Insensible, le cinéaste de 30 ans met en scène Denis, garçon abandonné dans un orphelinat et atteint d’une maladie rare : une analgésie congénitale. Autrement dit, il ne ressent aucune douleur physique. En retrouvant sa mère, il découvre qu’elle est associée à un gang de fonctionnaires corrompus. De fil en aiguille, il participe à leurs escroqueries en se jetant devant des voitures pour faire chanter de riches conducteurs… Superbement éclairée (le bleu de la nuit évoque le cinéma de Michael Mann), L’Insensible est surtout l’oeuvre d’un homme en colère, cadrant là où ça fait mal. Denis est ainsi le souffre-douleur de ses camarades à l’orphelinat avant la récupération cynique de sa mère. à bien des égards, ce film symbolise une nation martyrisée, où toutes les strates de la société sont gâtées. La narration emprunte les codes du cinéma de genre pour fustiger la Russie de Poutine, sans manichéisme. Certains prétendus salauds sont d’abord des victimes qui cherchent à s’en sortir. En définitive, L’Insensible est autant une charge implacable contre le pouvoir en place qu’une déclaration d’amour au peuple russe.
D’Ivan I. Tverdovsky, avec Denis Vlasenko, Anna Slyu, Danil Steklov… Sortie le 11.09