L’Autre fille
A l'intérieur
“L’autre fille”, c’est la soeur aînée d’Annie Ernaux, morte à l’âge de six ans, deux ans avant que l’auteure ne vienne au monde. Celle-ci a appris son existence lorsqu’elle était enfant, au détour d’une conversation. Elle n’en saura pas plus mais cette absence ne la quittera jamais… De cette histoire racontée dans un livre en 2011, Cécile Backès tire une pièce émouvante sur la mémoire et l’identité.
C’est un texte court mais débordant de silences et de questions. Il est écrit sous la forme d’une lettre adressée à cette fillette qu’elle n’a pas connue mais qui la hante… « Elle est partout et nulle part, dans le corps même de la narratrice », commente Cécile Backès. La directrice de la Comédie de Béthune n’a pas hésité avant d’adapter ce récit. « Il y est question de fantômes, de croyances et de notre propre mort… De cette vie intérieure commune à tous mais dont on parle finalement peu. C’est une fonction du théâtre de la partager ».
Les voix du passé
Cécile Gérard incarne l’écrivaine. Elle interpelle et tutoie cette soeur disparue, non pas sur scène mais seule au milieu du public, au centre d’un décor constitué de tables et de chaises. « On peut y voir un espace d’écriture ou le spectre du café que tenaient les parents d’Annie ». Elle chemine entre ces meubles comme en elle-même, en quête de son identité, « se demandant où cette soeur vit en elle ». Au fil du spectacle, le passé ressurgit. Des bribes de conversation saisies durant l’enfance esquissent cette absente qui remplit tout. Des voix résonnent comme si on se trouvait dans sa tête, telle cette comptine que lui chantait sa mère, Gentil coquelicot mesdames, restituée ici via des enregistrements de chorales enfantines. Un solo délicat, s’aventurant dans l’au-delà pour mieux s’adresser aux vivants.