Eddy de Pretto
À fleur de flow
Le robinet des sorties rap a toussoté en 2017. Apparu entre Niska et ses dents en acier, les blagues Carambar d’Orelsan et les biscotos de Damso et Kaaris, le freluquet Eddy de Pretto a soufflé un air autrement plus sensible cet automne. Mais d’où vient cette brise inespérée ?
La sortie de Kid, premier quatre titres d’Eddy de Pretto, a piqué la curiosité d’une grande partie de la presse, début octobre. Le jeune homme de 24 ans y synthétise ses amours pour Booba et Aznavour avec l’aide des producteurs de PNL. Il reprend Jul et honore Barbara comme Diam’s. D’un phrasé précieux (rappelant Stromae et le Québécois Pierre Lapointe) le natif de Créteil aborde des thèmes très personnels résonnant furieusement avec l’actualité : la revendication d’un “non-genre”, la dénonciation d’une virilité abusive ou encore la vacuité des rapports amoureux sur Internet. Présenté comme un rejeton de la « génération Dolan » (L’Obs) qui « bouscule les codes de la masculinité » (Le Monde), Eddy de Pretto a des choses à dire sur la sexualité des “millennials”, et surtout sur la sienne. Il le fait avec aplomb, sans pudeur et sans la novlangue cryptée du milieu, dans un dispositif scénique dépouillé à l’extrême (un iPhone, un batteur). Le propos, qui transforme la banlieue en “Beaulieue” et parle d’homosexualité, est original. La mise à nue est saisissante et l’ambition de remplir les salles en passe d’être atteinte (trois Cigale prévues en mars 2018). Souhaitons lui le même succès que son équivalent littéraire, Eddy Bellegueule.