Nous voir nous
Miroir déformant
En 2008, Antoine Lemaire tirait le portrait d’une génération dépourvue d’idéaux dans Vivre sans but transcendant est devenu possible. Ce mal-être propre aux trentenaires, le jeune auteur Québécois Guillaume Corbeil l’a décrit à son tour dans Nous voir nous (2012), y ajoutant l’influence perverse des réseaux sociaux. Lemaire adapte ce texte, en créant une pièce mêlant théâtre et vidéo, à La Rose des Vents.
« J’ai découvert Nous voir nous à Avignon il y a trois ans et j’ai été frappé par la justesse du propos, cette réflexion sur notre façon d’afficher notre intimité, raconte Antoine Lemaire. Il y a quelque chose de fascinant dans cet inventaire des dérapages possibles liés à l’utilisation de Facebook ». Place donc au grand spectacle de la vie telle qu’elle est mise en scène sur Internet. Sur un plateau quasiment nu, cinq comédiens en ligne s’adressent au public et se renvoient la parole, exposant tour à tour fièrement ce qu’ils sont, aiment, lisent, connaissent, fantasment. D’abord bon enfant, l’énumération se mue peu à peu en compétition féroce, avant qu’un défilé de photos en fond de scène ne prenne le relais de la narration.
Le règne de l’image
Habitué à manier les outils multimédia dans ses oeuvres, le metteur en scène a concentré son travail sur cette accumulation d’images. Mises bout à bout et commentées par les protagonistes, elles décrivent une nuit de fête à l’issue incertaine. « Au fur et à mesure que l’on avance dans la soirée, la vidéo devient plus abstraite, envahissante, et finit par submerger les personnages », décrit Antoine Lemaire. Tout comme l’abondance d’informations personnelles que l’on projette à la face du monde finit par submerger notre identité réelle.