Cie Zaoum
La fesse cachée de Bernadette A
Clown, conteuse, femme-enfant… mais qui est Bernadette A ? L’auteure, metteure en scène et comédienne lilloise nous dévoile son parcours singulier. On a parlé un peu de fesses aussi pour mieux accrocher le lecteur ! Il faut dire qu’en ce moment, elle se mêle beaucoup des nôtres. Mais il ne s’agit pas forcément de ce que l’on croit…
Dans son dernier solo, la Nordiste se penche sur notre séant, sujet concernant s’il en est. Une entreprise de prime abord grivoise, mais pas sans fondement. Fesses embarque le spectateur dans une aventure drôle et poétique, faite d’associations d’idées autour du postérieur. La mise en scène épurée évoque les films de Gondry, tandis qu’une structure géante de forme rebondie, allégorie de notre popotin, est propice à d’étonnantes circonvolutions corporelles. Il est ici question de sensualité, d’histoire de l’art, de désir… mais pas seulement. Ce derrière est un prétexte « pour raconter des choses plus profondes… sans jeu de mots ! »
Si Bernadette A nous plonge dans cette brèche (« la plus longue de notre corps ») marquant la différence entre les fesses et le cul (entre la crudité et la vulgarité, la beauté et la vanité), c’est pour mieux sonder la condition humaine. « On vit une époque où il faut être efficace, ne jamais dire un mot plus haut que l’autre … c’est le règne de la perfection. Alors je dis : heureux les fêlés ! Car c’est par cette fissure que passent le rêve et la folie. A travers nos fesses, je parle d’émancipation, d’audace et de liberté ». C’est aussi sa propre histoire qu’elle livre. Car il lui fallut être culottée pour réaliser ses rêves de scène.
Alice au pays de l’abattoir – Née à Courrières (dans le Pas-de-Calais), Bernadette grandit loin du milieu artistique, dans l’abattoir que tenaient ses parents – une enfance narrée dans son précédent spectacle, AbaTToir. A 20 ans, elle fuit ses études de biologie – et une vie qui n’est pas la sienne – pour un poste d’assistante de professeur de français aux états-Unis, dans le Wisconsin, où elle s’initie au 6e art en « acting classes ». De retour en Europe, un temps enseignante pour des institutions étrangères, la voilà admise à 30 ans au Samovar, cette « école pour les clowns, burlesques et excentriques ».
Mais c’est à Lille qu’elle entame véritablement sa carrière de comédienne, auprès des enfants hospitalisés au sein des Clowns de l’Espoir. En 2006, cette autodidacte qui s’est perfectionnée auprès de Joël Pommerat, David Bobée ou Jos Houben, fonde sa compagnie : Zaoum. Son premier solo, Vak’Harms, est un hommage à l’auteur russe Daniil Harms. Ce collage de textes courts et surréalistes annonce son style. Une écriture fragmentaire tout en « carambolage d’idées » où s’entrelacent situations drôles et étranges, dérangeantes et oniriques. Riche de revendications, aussi. Militante, elle fait partie du collectif HF Nord-Pas de Calais, luttant pour l’égalité des sexes. Une conviction qui transpire dans La femme de l’ogre (2009), relecture du Petit Poucet raillant le manichéisme des contes de fées « où l’on enferme les petites filles dans des rôles de princesses qui attendent un héros ». Qui ferait mieux de s’occuper de ses fesses !
Eloge de Fesses
02 & 03.04, Calais, Le Channel
14.05, Douai, musée de la Chartreuse
A visiter / www.ciezaoum.fr