Bruxelles
A l'avant-scène
Romeo Castellucci, Rodrigo Garcia, Rimini Protokoll, Guy Cassiers… 12 ans déjà que le Kunstenfestivaldesarts de Bruxelles révèle, avant Avignon, des artistes majeurs de la scène européenne. Une réputation de défricheur que le festival doit à son équipe portée sur les expérimentations hybrides et la création étrangère.
Oser le hors-piste, la pente verglacée des tabous et du politiquement incorrect, les membres du Kunsten ont ça dans le sang. Ils l’ont prouvé dès 1994, en créant un festival transversal soutenu par les deux principales communautés de Belgique. Et le démontrent depuis, en foulant régulièrement les zones grises aux marges du cinéma, de la performance, des arts plastiques ou du théâtre. En 19 créations, 32 projets et 170 représentations, cette édition ne déroge pas à la règle. L’affiche convie des monuments de la danse (W. Forsythe, J. Bel) ou du théâtre (C. Régy, G. Cassiers) pour mieux nous présenter de parfaits inconnus (Olivier Frljic, New Forms of Life) ou des formes extra-canoniques particulièrement fertiles.
L’Afrique sans idées noires
Le projet Exhibit B du Sud Africain Brett Bailey est de celles-ci. Dans l’Eglise Gésu, haut lieu de la lutte des sans-abris à Bruxelles, ses acteurs se figent en une série de tableaux vivants qui citent les « zoos humains » de l’époque coloniale. Cette archéologie des stéréotypes trouve plusieurs échos dans le programme. Le chorégraphe congolais Faustin Linyekula revisite ainsi, grâce au ballet de Lorraine, une naïve « fantaisie négro-cubiste » imaginée en 1923 par Léger, Cendrars et Malhaud. Tandis que les Berlinois de Rimini Protokoll conçoivent un futur où des businessmen nigérians conseilleraient leurs confrères européens dans leurs stratégies commerciales. Outre les relations entre le Vieux Continent et ses anciennes colonies, le Kunsten scrute les frémissements de l’ex-bloc soviétique. Citons ainsi le Hongrois Arpad Schilling, qui délaisse les grands classiques pour s’attaquer au conservatisme de son pays et Kornel Mundruczo, qui transpose un roman consacré aux ravages de l’Apartheid, dont le propos fait aussi écho à la situation européenne. Ceci dit, du Liban au Mozambique, de la Suède au Brésil, le festival n’écarte aucune question ou zone géographique.
Bruxelles, divers lieux