Eugène Leroy
L’art et la matière
C’est l’homme qui a inscrit Tourcoing sur la carte mondiale de la peinture. Comme tous les trois ans, le MUba consacre à Eugène Leroy une grande exposition. Après avoir exploré son héritage et ses liens dans le paysage artistique du XXe siècle, ce nouveau parcours focalise sur les toiles et dessins qu’il a produits entre 1980 et 2000. Une période faste, à bien des égards…
Evoquer Eugène Leroy renvoie irrémédiablement à des images de toiles sculpturales, cette accumulation unique de matières et de couleurs. « Certes, c’est un peu ce qu’on retient de lui, mais cette épaisseur n’a jamais été une fin, plutôt un moyen, explique la directrice du MUba, Mélanie Lerat. D’ailleurs ça l’agaçait qu’on le réduise à cela, il en parlait comme de sa “misère” ». Entouré de ses peintures dans son atelier de Wasquehal, « loin des courants et des modes », disait-il, l’homme revenait sans cesse sur ses compositions, « à la faveur d’une lumière nouvelle, d’une saison », ajoutant de nouvelles touches au pinceau, au couteau ou directement depuis le tube. De près, le regardeur admire alors le travail de la matière. « Et de loin, l’œil recompose le motif, fait son affaire de cette incroyable superposition ».

Campagne Musenor 2021 © MUBA Musée Eugène Leroy – Tourcoing
Synthèse des émotions
Surtout, Eugène Leroy poursuivait à travers cette technique un but bien précis : figer « la trace du vécu », selon ses propres mots. « Ici, il ne s’agit plus de désigner un corps de femme ou un autoportrait, on reconnaît à peine le sujet, ajoute Mélanie Lerat. C’est une forme d’apparition, une synthèse de ses sensations ». À l’instar de L’Été, tableau de grand format datant de 1999, où le corps d’une femme, le paysage et la lumière semblent fusionner dans un maelstrom de matières, de couleurs et d’émotions. Cette exposition s’intéresse ainsi aux années 1980 à 2000 de la production d’Eugène Leroy, une période témoignant « d’un épanouissement technique et théorique certain », et durant laquelle l’épaisseur de la matière prend toute son importance. C’est aussi à cette époque que l’œuvre du Tourquennois connaît une reconnaissance internationale. Les expositions s’enchaînent, les collectionneurs et institutions (comme le Centre Pompidou) acquièrent ses toiles.
Monde magique
Au MUba, où Eugène Leroy exposa dès les années 1950 et auquel ses fils firent une donation de 600 œuvres en 2009, on découvre, sous la lumière zénithale de la grande salle du musée, ses fameuses peintures, disposées de façon chronologique. De saisons en silhouettes, de paysages en autoportraits, celles-ci nous transportent dans ce « monde magique qui donne vie à une surface plane par la couleur et la lumière », pour citer l’intéressé. Derrière, dans un espace plus intimiste, se dévoilent ses dessins sur papier, au fusain ou à la gouache. « Une pratique autonome », marquée par cette liberté du geste dont ne se départira jamais l’artiste, et qui demeure toujours inspirante.






