Hector Obalk
La tête dans les toiles
Quand le critique épate la galerie ! À mi-chemin entre le stand-up et le cours magistral, Hector Obalk raconte une édifiante histoire de la peinture. Accompagné de musiciens, il décortique devant un grand écran une sélection de toiles plus ou moins célèbres, signées Van Eyck, Léonard de Vinci, Le Caravage… Zoomant çà et là sur les détails de l’oeuvre, il nous en dévoile les secrets, les significations ou des points techniques, sans jamais se départir d’un bon mot. Du grand art ? On peut le dire.
Quelle est la genèse de ce spectacle ? J’ai été viré d’Arte en 2017, chaîne pour laquelle j’avais réalisé 23 documentaires, pour Grand’Art. Quand Bruno Patino est devenu directeur des programmes, il a mis fin à cette série, pour des raisons que j’ignore encore. J’ai donc décidé de raconter l’histoire de l’art sur scène, à la façon d’un stand-up. Et ça marche, puisque 150 000 personnes ont déjà vu mon show.
Quelle forme prend-il ? Je suis face à un mur d’images représentant des tableaux dans lesquels je plonge au fur et à mesure de mes explications. Car apprécier la peinture, en général, c’est effectuer des zooms arrière et avant avec les yeux.
Comment avez-vous choisi les oeuvres que vous présentez ? J’ai retenu les meilleurs tableaux des meilleurs peintres, je crois. Je n’ausculte que l’art occidental, mais c’est déjà énorme. J’embrasse exactement sept siècles de création, de Giotto jusqu’à nos jours. À Lille, je m’intéresserai par exemple à La Vierge du chancelier Rolin de Van Eyck, L’Annonciation de Léonard de Vinci, L’Amour vainqueur du Caravage ou encore aux Grands arbres au Jas de Bouffan, de Cézanne.
Selon vous, comment faudrait-il regarder un tableau ? Il n’y a pas de règle ni de théorie. C’est à force d’observer et d’écouter la manière dont d’autres grands amateurs les jugent qu’on finit par tout percevoir. C’est en tout cas le but de ce spectacle.
Quels aspects méritent d’abord d’être interrogés : la période, le thème, la lumière… ? Tout compte mais, en général, je conseille de regarder ce que la toile représente sans se demander ce qu’elle veut dire.
Vous organisez aussi des confrontations entre les œuvres. Pourquoi ? Parce que c’est plus pédagogique. En art, on ne démontre rien, on montre et on compare.
Émettez-vous parfois des avis négatifs sur les toiles que vous étudiez ? Dans le spectacle, je compare de grands artistes à des créateurs encore plus remarquables… pour en dire finalement du mal ! Ainsi, je vais mettre en défaut Botticelli pour mieux mettre en valeur le génie de Léonard, ou même Van Gogh pour faire valoir celui de Cézanne. Cela peut choquer, je sais, mais cela permet au spectateur de comprendre comment j’appréhende les tableaux et ce que j’apprécie chez eux.
Le public joue-t-il un rôle dans votre dispositif ? Non. Pas de démagogie !
Il paraît que vous n’êtes pas un grand fan d’art contemporain. Est-ce le cas ? En fait, je suis collectionneur de peinture contemporaine. Le problème, c’est que “l’art contemporain” ne désigne plus la peinture d’aujourd’hui mais une création qui n’est ni picturale, ni photographique, ni sculpturale. À travers cette appellation, on regroupe toutes sortes d’installations ou d’objets tout faits. C’est un art mineur, presque toujours conceptuel, parfois spectaculaire et souvent dérisoire dont je ne m’occupe pas trop.
Ce spectacle sur l’histoire de la peinture rassemble des dizaines de milliers de spectateurs. Comment expliquer un tel succès ? D’abord, j’exclus de mes explications toutes références culturelles. Puis je plonge le spectateur dans les détails de l’oeuvre en pointant le plus jouissif à regarder. J’apporte des éclaircissements après la “dégustation” et parfois une petite touche d’humour.
Il me semble que vous nourrissez un affection particulière pour les œuvres de Chardin, n’est-ce pas ? Oui, mais aussi pour Vélasquez, Andrea del Sarto… tous les artistes dont la touche est un peu floue.
Au final, quel est l’objectif de votre spectacle ? Rendre les gens heureux devant un ou deux tableaux qui resteront gravés dans leur mémoire. Ce que je donne à voir et à comprendre ne se trouve pas sur Wikipédia.
Selon vous, quel est le rôle du critique d’art ? Non pas expliquer ni interpréter les oeuvres, mais les faire aimer.
Toute l’histoire de la peinture en moins de deux heures
Lille, 26.09, Théâtre Sébastopol