Home Agenda BERNARD VILLERS – LA COULEUR MANIFESTE

La couleur manifeste, l’exposition de Bernard Villers au Botanique, affirme la force poétique et sensible de la couleur. Manifeste, la couleur l’est : plus que présente dans son oeuvre, elle en est le sujet. Dégagée de toute représentation du réel, elle est alors libre de se raconter et de provoquer des émotions. Dès l’entrée de l’exposition, on est amené à embrasser du regard l’ensemble de l’espace et créer un parcours de lecture singulier, rapprochant des oeuvres qui ont parfois trente ans d’écart. Si elles peuvent différer en termes de propos et d’idée, elles questionnent toutes le pouvoir de la couleur. Il suffit de se mettre en mouvement pour distinguer les effets à la surface des oeuvres lorsqu’un Bleu de Prusse côtoie un Jaune Sénégal par exemple ou qu’un Rouge anglais se mesure à un Vert Véronèse. En s’approchant davantage, on découvre la matière picturale et l’incidence de la lumière sur celle-ci. Après une formation à l’École nationale supérieure des Arts visuels – La Cambre en peinture monumentale, atelier dirigé par Paul Delvaux puis par Jo Delahaut, Bernard Villers poursuit ses recherches picturales et interroge le medium dans ses composantes traditionnelles : la toile, le châssis, le cadre. Il choisit par exemple des toiles de coton léger et joue de leur transparence pour amplifier ou atténuer les couleurs. Il met ensuite en place des protocoles, c’est-à-dire qu’il définit une série de contraintes précises qui influent sur les conditions et le déroulement de son travail. Nourri par ailleurs de références artistiques, philosophiques ou littéraires, il s’invente une famille d’artistes et d’auteurs qui l’inspirent et alimentent sa démarche : Schwitters, Malevitch, Barthes, Pessoa, Perec, pour ne citer qu’eux. Au cours de ces années d’exploration, il lie l’art à la vie de tous les jours. Le quotidien fait son apparition dans sa peinture par l’usage d’objets trouvés comme des raclettes, des cageots, des palettes, des assises de chaise et des tiroirs démantelés qu’il détourne de leur destination originelle. Ses recherches sur le support le mènent à considérer aussi bien l’envers que l’endroit mais aussi la tranche et les possibilités d’agir : découper, plier, incliner, percer. Ces dispositifs concrets instaurent un dialogue avec l’espace et élargissent le champ du médium en multipliant par des moyens simples les manières de percevoir la couleur. Les pièces en relief, légèrement détachées ou posées au droit du mur, à même le sol ou en suspension invitent à jouer de la parallaxe, c’est-à-dire à se déplacer dans l’espace pour saisir de nouveaux aspects de l’oeuvre. Sujettes également aux jeux d’ombre et de lumière, aux effets de réflexion de (et dans) l’environnement immédiat, ces pièces laissent naître de nouvelles émotions. Bernard Villers a choisi la peinture comme il choisira un peu plus tard le livre. Ainsi se croisent les couleurs et les mots, dans un aller-retour permanent. Davantage encore, la peinture et le livre sont ses moyens pour donner à lire la couleur et à voir les mots. En fondant les éditions Le Remorqueur en 1976, il se situe délibérément en marge du marché de l’art, rejoignant les artistes qui ont fait du livre un medium à part entière et bousculent les principes en place. L’objet d’art n’a plus à être unique pour faire oeuvre, il devient multiple et sériel, accessible à un public plus large. Dans cette exposition, l’oeuvre se déploie, manifestement plus complexe à la seconde lecture qu’au premier regard. Rien n’est donné d’emblée et pourtant tout est livré avec simplicité et clarté. Les matériaux sont choisis consciemment pour leurs propriétés, les gestes sont intelligibles et peu nombreux, les décisions sans compromis. Pas de faux-semblant : ce que l’on voit est ce qui a été fait, les contraintes posées sont visibles, d’une franchise redoutable, a contrario de certaines peintures abstraites dont le processus importe moins que la matière. C’est ce qui rend cette oeuvre indéniablement actuelle. Si elle est poétique, elle n’en est pas moins rigoureuse et si elle parle d’elle-même, c’est un joyeux privilège que d’écouter Bernard Villers la nuancer.

Informations
Bruxelles, Botanique

Site internet : http://www.botanique.be

13.09.2018>28.10.2018du mercredi au dimanche, de 12h à 20h., 5,50/3,50€
Articles similaires
Animal (186), 2011 © Elliot Ross

Auguste Rodin, Grosse Femme accroupie à masque d’Iris, vers 1910
Bronze, fonte Alexis Rudier, 1911 © Londres, Victoria and Albert Museum