Home Best of Interview Fatoumata Diawara

Le sens du partage

© Alun Be

D’abord reconnue en tant qu’actrice au Mali, elle a ensuite interprété la sorcière dans la comédie musicale Kirikou et Karaba, d’après l’oeuvre de Michel Ocelot. Elle fut aussi à l’affiche du multi-césarisé Timbuktu d’Abderrahmane Sissako… Mais Fatoumata Diawara est surtout une (grande) voix, qui outrepasse les frontières, géographiques ou musicales. Elle a ainsi collaboré avec Lauryn Hill, Herbie Hancock, Matthieu Chedid, Dee Dee Bridgewater, Paul McCartney ou encore Damon Albarn, qu’elle retrouve aujourd’hui sur London Ko. Dans ce troisième album chanté en bambara, sa langue maternelle, elle parle d’espoir, de fierté, alliant sonorités africaines et pop occidentale. Rencontre avec une diva solaire.

Pourquoi avez-vous intitulé cet album London Ko ? Ce titre symbolise la fusion entre Londres et Bamako et ma connexion avec Damon Albarn en particulier. Il traduit la rencontre entre la musique traditionnelle africaine, le blues et la pop, entre autres.

Comment avez-vous travaillé avec Damon Albarn ? Il a co-réalisé six morceaux, mais sa patte est omniprésente sur le disque. On a commencé à enregistrer les premiers morceaux de London Ko l’an dernier, parallèlement à notre collaboration pour un opéra mis en scène par Abderrahmane Sissako. D’une façon générale, on a composé beaucoup de chansons à deux. On s’entend bien ! C’est la première fois que je laisse autant de place à un musicien sur l’un de mes albums.

Concrètement, comment s’est déroulé l’enregistrement ? Damon m’a invitée à rejoindre Gorillaz pour une vingtaine de dates aux États-Unis et en Europe. Dès que nous avions un peu de temps, nous allions en studio. Une vraie complicité s’est installée entre nous.

Au-delà de Damon Albarn, cet album accueille beaucoup d’autres artistes, n’est-ce pas ? Oui, et c’est la première fois que j’invite autant de monde sur un projet personnel. Peut-être qu’avant j’essayais de me protéger ou de préserver le fragile patrimoine de la musique malienne.

Comment maintenez-vous ce lien ? Mes chansons reflètent mon identité. Je vis désormais en Europe mais je garde un pied en Afrique grâce à ma musique. Je chante d’ailleurs dans ma langue natale pour maintenir ce lien fort.

Comment avez-vous choisi les artistes figurant sur votre album ? J’ai privilégié des personnes qui m’avaient déjà invitée, en qui j’ai confiance, comme Matthieu Chedid ou Roberto Fonseca. J’ai beaucoup pleuré sur Sete, une magnifique chanson d’amour proposée par Matthieu, pour laquelle j’ai eu la chance d’accueillir le Brooklyn Youth Chorus, un choeur d’enfants de New York.

© Alun Be

© Alun Be

Comment présenteriez-vous cet album ? Il est comme un bilan de tout ce que j’ai retenu et appris de mes différentes collaborations. Elles m’ont forgée et changé ma vision de la musique, désormais sans aucune barrière.

Selon vous, qu’est-ce qui caractérise la musique malienne ? Il est très difficile de la décrire, mais je dirais qu’elle est restée authentique. Il y a une richesse culturelle qu’on ne retrouve pas ailleurs, un héritage de nos ancêtres. Chaque région a son propre langage musical. Amadou et Mariam et Sidiki Diabaté, entre autres, apportent une couleur unique. On ne dirait pas qu’ils viennent du même pays. Pour autant, cette forte tradition croise volontiers d’autres esthétiques. Par exemple, on retrouve beaucoup de blues dans la musique malienne, qui est le tronc commun de tous les styles comme le rock, la pop et le rap.

Et qu’est-ce qui caractériserait Fatoumata Diawara ? Le goût des aventures nouvelles, la prise de risques. Je ne me laisse pas influencer par la nouvelle vague de la musique africaine et préfère sortir un peu des clous. Pour cultiver cette originalité, j’essaie de bien m’entourer.

Dans votre deuxième album, Fenfo, vous évoquiez certains sujets graves… Qu’en est-il cette fois-ci ? Dans celui-ci, je soulève différentes questions. Par exemple, je tiens à protéger la génération future en Afrique contre certains drames persistants comme la mutilation génitale ou l’excision. Ces fléaux sont encore malheureusement d’actualité.

La musique est-elle une arme politique pour vous ? Dans une certaine mesure, oui. En tout cas, j’apporte autant d’attention au message qu’à la voix. J’aime l’idée que mes mots puissent changer un peu les choses, et révéler au plus grand nombre la beauté de l’Afrique. Je me vois comme une ambassadrice de ce continent.

Propos recueillis par Simon Prouvost // Photo : © Alun Be
Concert(s)
Fatoumata Diawara
Lille, Théâtre Sébastopol

Site internet : http://www.theatre-sebastopol.fr/

23.05.2023 à 20h0039>29€
Fatoumata Diawara
Bruxelles, Ancienne Belgique

Site internet : www.abconcerts.be

31.05.2023 à 19h0034/33€
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