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Artisan du rêve

Michele De Lucchi - Crown Station, Earth Stations Interactors – 2018 © Filippo Bolognese

Véritable maestro de l’architecture et du design italien, et plus largement mondial, Michele De Lucchi investit le CID, au Grand-Hornu. Porteuse d’un discours résolument humaniste et écologique, cette exposition intitulée Futuro Gentile se place à contre-courant de la déprime actuelle – justifiée, il faut dire. En premier lieu parce qu’elle ose imaginer un “futur aimable”, à travers des architectures situées quelque part entre l’utopie et la science-fiction. Soit pile à l’endroit du rêve.

Né en 1951 en Italie, Michele De Lucchi a traversé un demi-siècle de création contemporaine – et ce n’est pas fini. Il fut d’abord une figure du Design radical avant de rejoindre le fameux groupe Memphis et son style expressif et coloré, aux côtés d’un certain Ettore Sottsass. Certes, son nom est sans doute moins connu du grand public, mais ses productions parlent pour lui. On lui doit par exemple la chaise First, inspirée par la forme de l’atome, ou encore la lampe de bureau Tolomeo (peut-être la plus parfaite au monde) et son bras articulé en aluminium poli. Dans les années 2000, le Transalpin se fait remarquer avec ses architectures biomimétiques, à l’image du Pont de la paix à Tbilissi en Géorgie, ressemblant à un énorme coquillage… Ces œuvres-là, toutefois, vous ne les verrez pas au CID, car cette exposition ne regarde guère le passé. « J’avais vraiment l’ambition de monter la première grande rétrospective De Lucchi, sourit Marie Pok, la directrice du musée. Quand j’ai enfin réussi à le contacter il m’a dit : “non, je ne suis pas encore mort, je veux parler du futur !” ». Lequel serait donc “gentile”. Comprendre : aimable.

Stations spéciales

Scindé en deux parties, ce parcours révèle d’abord (au Magasin aux foins) sa Produzione Privata, du nom de son atelier à Milan. « Ce sont des objets qu’il conçoit de façon artisanale. Il y a par exemple du mobilier en bois, des lampes en verre et puis ses ready-mades que personne n’a jamais vus, comme ses marionnettes en tubes de néon ». Aux Ecuries ensuite, place à une vision plus prospective, s’incarnant dans les Earth Stations.

Au fil de ces quatre vidéos et de cette quinzaine de maquettes (comme autant « de petites sculptures ») on découvre ici une monumentale pyramide en bambou, là une gigantesque couronne posée sur deux falaises, surplombant un gouffre ou encore un bâtiment à la structure “atmosphérique”, tel un gros nuage…. Irréalisables, ces architectures utopistes « envoient avant tout un message aux générations futures en défendant une relation éthique à la nature ». Dans le même esprit, les Satellites Stations dévoilent des constructions en bois… biodégradables, vouées à retourner à la terre, et même la fertiliser.

A bien y regarder cette réflexion écologique ne date pas d’hier. Dès les années 1970, l’Italien dessinait des habitations verticales, soit « des pyramides reposant sur leur pointe ou des superpositions de cubes, où les planchers sont de travers, explique Marie Pok. Il s’agit de déséquilibrer l’occupant et surtout qu’il prenne conscience de sa place, instable, dans cet habitat, et donc sur la planète ». A nous de rêver avec De Lucchi, pour mieux garder les pieds sur terre.

Julien Damien // Photo : Michele De Lucchi - Crown Station, Earth Stations Interactors – 2018 © Filippo Bolognese
Informations
Hornu, CID, Centre d'innovation et de design au Grand-Hornu
12.02.2023>27.08.2023mar > dim : 10h-18h, 10 > 2€ (gratuit -6 ans)
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