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L’illustre inconnu

Pierre Dubreuil, The First Round, ca. 1932, Tirage moderne au palladium,
Don Tom Jacobson, Palais des beaux-arts de Lille
© PBA Lille / Photo J.-M. Dautel

Connaissiez-vous Pierre Dubreuil ? Né à Lille voici pile 150 ans, ce photographe bénéficia d’une renommée internationale de son vivant, avant de tomber dans l’oubli. Pour cause, ses négatifs et archives furent détruits lors d’un bombardement, durant la Seconde Guerre mondiale. C’est à la passion d’un collectionneur américain, Tom Jacobson, que l’on doit sa redécouverte. Celui-ci a fait don au Palais des beaux-arts d’une centaine d’épreuves, non pas originales mais tirées de diapositives de l’artiste. Ces images sont aujourd’hui rassemblées dans une exposition monographique, la première consacrée au Lillois depuis 1987 – et sans doute pas la dernière.

« Il fut l’un des tout premiers à considérer la photographie comme un art, tandis qu’elle cherchait à reproduire la réalité », commence Alice Fleury, la directrice des collections du musée nordiste. À ses débuts, Pierre Dubreuil fit en effet partie du pictorialisme, mouvement international regroupant des artistes qui voulaient imiter la peinture. Pour cela, ils inventaient moult procédés offrant à leurs prises de vue des qualités picturales (tirage à l’huile, gomme bichromatée). En témoigne cette image de ballerine aux faux airs de gravure, et semblant tout droit sortie d’un tableau de Degas. Mais Dubreuil s’éloignera vite des pictorialistes pour expérimenter d’autres techniques, jouant avec les reflets, la lumière (son « pinceau », disait-il) et les cadrages. Ses clichés de monuments parisiens, par exemple, sont systématiquement cachés derrière un premier plan des plus surprenants, telle cette Éléphantaisie montrant une Tour Eiffel floue… et obstruée par une statuette de pachyderme – oui, c’est gonflé. Il lui arrive aussi de remployer un même négatif pour effectuer plusieurs tirages, comme cette photographie de locomotive à vapeur, retravaillée, agrandie et basculée pour devenir une composition cubiste.

Pierre Dubreuil, Ballerine, 1902, Tirage moderne au palladium, Don Tom Jacobson, Palais des beaux-arts de Lille © PBA Lille / Photo J.-M. Dautel

Pierre Dubreuil, Ballerine, 1902, Tirage moderne au palladium, Don Tom Jacobson, Palais des beaux-arts de Lille © PBA Lille / Photo J.-M. Dautel

Objets connectés

Dans les années 1920, suite à l’incendie de son atelier lillois et des drames personnels (dont la mort d’une de ses filles, emportée par la grippe espagnole), Pierre Dubreuil s’installe à Bruxelles. Il focalise cette fois sur les objets : jouets, masques, vinyles, douilles, cadenas, outils… Ses images télescopent tout et n’importe quoi, mais jamais n’importe comment (son sens de la composition est indéniable) et possèdent parfois cette inquiétante étrangeté chère aux surréalistes. Surtout, elles deviennent de plus en plus nettes, dans la lignée de la “straight photography” « qui met en valeur les qualités intrinsèques du média ». Ses portraits, eux aussi, dénotent, à l’instar de ce jeune boxeur au regard intense, dont la forme des yeux dialogue subtilement avec celle de ses gants… entre autres oeuvres à redécouvrir d’urgence.

Julien Damien / photo Pierre Dubreuil, The First Round, ca. 1932, Tirage moderne au palladium, Don Tom Jacobson, Palais des beaux-arts de Lille © PBA Lille / Photo J.-M. Dautel
Informations
Lille, Palais des Beaux Arts, Lille
20.10.2022>27.02.2023lun : 14h-18h • mer > dim : 10h-18h, 7/4€ (gratuit -12 ans)
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