Home Best of Interview November Ultra

Chambre à part

© Pauline Darley

Sa pop délicate et sa voix envoûtante lui valent parfois des comparaisons avec Lorde ou Frank Ocean – dont elle est fan. Révélée par le single Soft & Tender en 2020 (qui fit l’effet d’un baume apaisant en plein confinement) November Ultra s’est depuis fait une place à part sur la scène musicale hexagonale, tout en douceur et sincérité. Pour cause, c’est dans sa chambre de Boulogne-Billancourt que la chanteuse hispano-française a composé son premier album, Bedroom Walls, condensé de folk intimiste et de berceuses mélodieuses. Qui se cache derrière ce timbre duveté et ces nuages de tulle ? La toute première lauréate du prix Joséphine* se dévoile.

À quoi ressemblent vos débuts ? J’ai découvert la musique grâce à mon grand-père d’origine espagnole. Quand j’étais toute petite, il m’a appris ma première chanson, un air traditionnel de copla, la Salsa Mora. Après cela, je n’ai plus arrêté de chanter ! Par exemple, je suis tombée amoureuse de la Mélodie du bonheur, que j’ai même recréée dans ma chambre. Ensuite, à l’âge de six ans, je suis entrée au conservatoire. Plutôt médiocre au piano, ma maîtrise était néanmoins suffisante pour m’accompagner, lire des partitions et surtout composer. Si je joue de la musique, c’est d’abord parce que j’adore chanter.

Pourquoi ce nom, November Ultra ? Au début, c’était juste November, quand je faisais partie du groupe Agua Roja. Tout simplement parce que je suis née en novembre. Puis, lorsque la bande s’est séparée, j’ai ajouté “Ultra”, en référence à Nostalgia, Ultra, la mixtape de Frank Ocean. Ce pseudo m’a permis de mettre à distance ma vie personnelle et celle de musicienne. Comme un moyen de préserver une part d’intimité.

Pourquoi avez-vous choisi de composer vos chansons chez vous, seule dans votre chambre ? C’est extrêmement difficile de raconter des choses intimes dans des endroits qui ne sont pas familiers. Composer chez moi m’a donc rassurée. Ensuite, j’écris à toute heure du jour ou de la nuit. Impossible d’attendre l’ouverture du studio jusqu’au lendemain. Il faut que j’enregistre tout de suite, en un seul geste. Je tiens à saisir l’émotion à l’état brut avant tout le reste, même si parfois, techniquement, ce n’est pas parfait. Enfin, le studio reste un domaine très masculin, avec une surenchère technique. Voilà pourquoi j’ai réalisé une grande partie de l’album avec mon ordi, mon micro et ma carte son.

On parle souvent de “bedroom pop” pour décrire votre musique. Et vous, comment la qualifieriez-vous ? Cette appellation est assez juste car elle sous-entend “fait maison”. Et dans mes morceaux on entend effectivement mon chat, le lit qui craque, le fait que je ne joue pas très bien de la guitare… Donc ce terme “bedroom” me plaît bien. Celui de “pop” aussi, avec cette idée de l’intime qui devient universel. Pour moi, la pop, c’est réussir à se connecter à l’autre.

Pourquoi chantez-vous essentiellement en anglais ? Je ne voulais pas que ma mère comprenne les paroles ! Elle est espagnole et mon père portugais, j’ai grandi avec trois langues à la maison. Quand j’ai commencé à composer, je n’arrivais pas à écrire en français car j’avais peur que ma famille tombe sur mes textes. J’ai donc commencé à composer en anglais. C’est devenu mon terrain de jeu.

© Elisa Baudoin

© Elisa Baudoin

Qu’en est-il des textes ? Qu’est-ce qui vous inspire en général ? Vaste sujet. Je me laisse guider par des émotions. Lorsqu’elles deviennent trop vives je dois en faire quelque chose. Je compose alors de manière très artisanale, comme on ferait de la poterie : tout en même temps. Souvent, je me place derrière le piano et les paroles me viennent en jouant. Voilà pourquoi j’ai besoin d’enregistrer sur le moment.

Dévoilez-vous vos sentiments pour mieux toucher les autres ? Écrire une chanson est l’acte le plus autocentré de la terre, c’est comme une séance chez le psy. Quand je lui parle, je n’ai pas envie d’aider le monde, mais d’abord m’aider moi. Mais avec des effets probablement positifs pour mon entourage. De même, avec ma musique, en terminant un morceau comme Soft & Tender je me suis dit : “si ça m’a apaisé, peut-être pourra-t-il toucher les autres”.

Quel est votre rapport à la scène ? J’ai l’impression de faire voyager ma chambre. C’est un endroit où je me sens protégée, je me sens bien sur scène. Il y a aussi comme un pacte avec mon public. Kae Tempest a écrit un très beau livre sur le sujet, Connexion. Pendant un concert, l’artiste, le public et la musique doivent trouver le moyen de se connecter. J’ai le sentiment d’avoir cette chance.

D’ailleurs en janvier vous vous produisez dans un endroit pas comme les autres : au Louvre-Lens, dans la Galerie du temps, au coeur de l’histoire de l’art… Comment appréhendez-vous ce concert ? C’est un magnifique symbole. Déjà, l’endroit porte le plus joli nom au monde. J’essaye justement d’arrêter le temps avec ma musique. Ce sera donc un concert totalement différent, idéal pour insister sur cette notion d’intimité.

Planchez-vous sur un nouvel album ? J’ai déjà écrit de nouvelles chansons mais, d’abord, j’aimerais vraiment fêter le premier anniversaire de Bedroom Walls. Je travaille sur un projet en lien avec cet album, car il est encore très ancré dans le présent. Cette histoire n’est pas encore finie…

Sinon, qu’est-ce qui tourne sur les platines de November Ultra ? Motomami de Rosalía. Pour moi, c’est l’album de 2022. Ensuite, il y a l’EP de Yoa, que j’adore, mais aussi Tamino, Zaho de Sagazan ou Sauvage d’Aloïse Sauvage. Sinon, je suis allé voir Starmania et j’ai beaucoup écouté la BO. Je trouve ça incroyable. C’est visionnaire, moderne et parle de la place de l’artiste dans la société. C’est fou pour une comédie musicale créée en 1979.

*nouvelle récompense musicale dont le jury est composé d’artistes et de créateurs

Propos recueillis par Camille Baton / Photo : © Pauline Darley
Concert(s)
GALERIE MUSICALE : NOVEMBER ULTRA
Lens, Louvre-Lens

Site internet : http://www.louvrelens.fr/

Galerie du temps et Pavillon de verre :
Entrée libre et gratuite

Galerie d’expositions temporaires :
Tarif plein : 10€ / 18 – 25 ans : 5€ / – 18 ans : gratuit

Le musée est ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h (dernier accès et fermeture des caisses à 17h15).

Fermé les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre.

28.01.2023 à 21h0014>5€

Lens, 28.01, Louvre-Lens (Galerie du temps) 21h, 14 > 5€, louvrelens.fr

Anvers, 30.03, De Roma, 20h, 17/15€, deroma.be

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