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Au nom du frère

 Marie-Camille Orlando - Nolita Cinema

Voici deux frères que tout oppose. Antoine (Grégoire Ludig), marié et deux enfants, est conducteur de bateaux à Cherbourg. Christian (Jean-Paul Rouve) est chômeur, bagarreur et volontiers porté sur la boisson. Mais lorsque le premier se retrouve empêtré dans une sale histoire, le second vole à son secours. Et voilà qu’ils redeviennent “les cadors”, comme ils se surnommaient étant enfants… Après Roulez jeunesse, Julien Guetta ancre son deuxième long-métrage dans le milieu des dockers. Jean-Paul Rouve nous raconte la genèse de ce film dont il cosigne le scénario, entre comédie, drame et polar.

Le film oscille entre humour et drame. Comment avez-vous trouvé cet équilibre ?
C’est grâce au réalisateur, Julien Guetta. Son premier long-métrage avec Éric Judor (ndlr : Roulez jeunesse) révélait déjà une grande sensibilité alors que c’était une comédie. De même, avec Les Cadors, on a privilégié la crédibilité des personnages, leur environnement social. Avec Grégoire, on a joué sans se focaliser sur la comédie. Ensuite on en rit, ou pas. Les Anglais font ça très bien. En France aussi d’ailleurs, souvenez-vous de Coup de tête de Jean-Jacques Annaud.

Votre personnage est l’aîné, celui qui protège son frère. Mais les rôles s’inversent progressivement, n’est-ce pas ?
Exactement. Cela me plaît d’inverser les rapports habituels entre les êtres. La relation amour-haine entre les deux frères est intense. Ils sont un jour meilleurs amis et le lendemain pires ennemis, mais ils doivent avancer ensemble.

Pourquoi présentez-vous votre personnage comme la “version dramatique de Jeff Tuche” ?
Sans déployer une immense culture, il peut désarçonner n’importe qui. Il a la même même intelligence instinctive que Jeff Tuche. Cette façon de sentir les choses et de savoir comment réagir. Johnny Hallyday, que j’ai connu, avait aussi ce don. C’était un homme formidable, d’une grande générosité. Gérard Depardieu a également cette intelligence. C’est un caméléon, il sait s’adapter aux situations en un quart de seconde.

Comment s’est déroulé le tournage ?
De façon très naturelle, car Grégoire, Michel Blanc et moi-même sommes faits du même bois. On a tous les trois débuté avec des sketchs avant de faire du cinéma ! Comme plusieurs générations de musiciens qui jouent du même instrument.

Connaissiez-vous le milieu des dockers dans lequel se déroule le film ?
Oui, car mon oncle travaillait au port de Dunkerque, mais côté patron. À l’époque tout était chargé à la main. Je me souviens des grèves lorsque j’étais enfant. Les dockers avaient un vrai pouvoir, surtout les syndicats. C’est encore le cas aujourd’hui.

Est-ce pour cette raison que vous avez participé à l’écriture du scénario ?
Non. En réalité Lionel Dutemple a écrit cette histoire en s’inspirant de celle vécue par son propre père et son oncle dans les années 1970. Entre-temps, le film a changé de producteur. On a alors repris le scénario car certaines choses ne me paraissaient pas crédibles. Puis j’ai commencé à donner des idées et, de fil en aiguille, j’ai travaillé avec Julien Guetta sur les dialogues, surtout ceux de Michel Blanc. Je connais bien sa “musicalité”. J’ai écrit pour lui.

Michel Blanc qui joue un “sale type”, en l’occurrence un syndicaliste ripou…
Oui, son personnage fut d’ailleurs le plus difficile à composer. Il fallait que ce soit un méchant crédible, en prise avec une réalité professionnelle, une micro-société à l’intérieur de la grande. D’où le choix des docks, un milieu où ce type de personnage pourrait exister.

Le port n’offre-t-il pas aussi un aspect atemporel au film ?
Oui. Julien Guetta est amoureux du cinéma des années 1980 et recherchait cette couleur. Ce côté atemporel est finalement facile à dénicher en quittant les grandes villes. En se passant du mobilier urbain, on perd généralement nos repères. D’un seul coup on ne sait plus quand ni où l’on se trouve. C’est assez étonnant. C’est très bien fait, par exemple, dans Amélie Poulain.

Etes-vous toujours attaché à Dunkerque, où vous avez grandi ?
Oui, car c’est la ville de mon enfance. Ce n’est pas pour rien que j’y ai réalisé Quand je serai petit. J’en suis très heureux car c’était l’un des premiers films à être tourné ici. Maintenant c’est à la mode… J’ai toujours trouvé cette région très cinématographique. La ville a un côté “désolé” car elle a été détruite. Sa reconstruction assez géométrique passe bien à la caméra. Et puis, un port est toujours très esthétique, avec ses conteneurs, ses bateaux, la mer, les dunes… On y trouve une mélancolie naturelle.

Propos recueillis par Camille Baton // Photo : Marie-Camille Orlando - Nolita Cinema

Les Cadors

De Julien Guetta, avec Jean-Paul Rouve, Grégoire Ludig, Michel Blanc… En salle.


Sortie le 11.01

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