Roschdy & Mustapha Zem
Sans filtre
Moussa est doux et altruiste, à l’opposé de son frère Ryad, présentateur télé dont la notoriété n’a d’égale que l’égoïsme. Mais lors d’une soirée, Moussa se cogne violemment la tête. Il souffre alors d’un traumatisme crânien qui transforme complètement sa personnalité : sa bienveillance disparaît et il s’exprime désormais sans filtre, quitte à blesser son entourage… Avec Les Miens, son sixième long-métrage, Roschdy Zem livre son œuvre la plus personnelle, directement inspirée de sa vie et de celle de son frère, Mustapha. Co-écrit avec Maïwenn, le film évite l’écueil du pathos et aborde avec beaucoup d’humour la force des liens familiaux. Est-il bon de tout dire à ses proches, même la vérité ? Réponse avec les principaux concernés…
Comment avez-vous trouvé l’équilibre entre la comédie et le drame ? Roschdy Zem : Je ne m’en suis pas soucié. Avec Maïwenn, nous avons été très factuels, racontant les évènements tels que je les ai vécus. Cet équilibre entre drame et comédie, je l’ai perçu en racontant l’histoire de mon frère à des proches. Ils avaient l’air horrifié, mais affichaient aussi un petit rictus… On ne peut pas s’empêcher de rire lorsque quelqu’un balance des horreurs, sans filtre. Lors de l’écriture et du tournage, ma seule inquiétude était de restituer une certaine authenticité, sans ironie. C’est en cela que le jeu de Rachid Bouajila (ndlr : qui incarne Moussa) est très important : il ne devait pas s’amuser de ce personnage.
Pourquoi avoir fait appel à Maïwenn pour co-écrire ce film ? Roschdy Zem : Pour Les Miens, j’ai revu ma façon de travailler. Il m’était difficile de raconter cette histoire, car elle est très personnelle. Quand j’ai évoqué ce problème avec mon producteur Pascal Caucheteux, il m’a montré le film ADN de Maïwenn. Je l’ai alors appelée et, très vite, il y a eu une forme d’évidence. Auprès d’elle j’ai trouvé ce que je cherchais : une absence de théorie, une écriture charnelle.
Mustapha, quelle fut votre réaction lorsque votre frère vous a appris qu’il allait tourné un film s’inspirant votre accident ? Mustapha Zem : J’ai pris connaissance du script quelques jours avant le tournage. Et à sa lecture, j’ai été très surpris. Je n’ai pas du tout assumé. J’étais en convalescence et je n’imaginais pas que cette histoire puisse être transposée à l’écran. Puis le temps a passé, et j’ai finalement trouvé que c’était un beau cadeau.
Avez-vous pensé à refuser ? Roschdy Zem : Je n’attendais pas de validation. Cela reste tout de même une fiction dans laquelle je raconte ce que je veux. Avec des acteurs qui apportent leur propre subjectivité. Et quand bien même, je porte un regard bienveillant sur ma famille.
Mustapha Zem : Après deux ans de guérison, ce film a servi de test pour savoir où j’en étais. J’appréhendais beaucoup le résultat final. Mais le personnage de Moussa m’a profondément touché et ému.
Quels furent vos partis-pris en termes de réalisation ? Roschdy Zem : J’ai laissé vivre les acteurs. Maïwenn m’a soufflé l’idée de réaliser tous les plans avec deux caméras. C’était très judicieux, car cela m’a permis de trouver des scènes auxquelles on n’aurait pas pensé. Les interprètes vivent, sans presque savoir qu’on est en train de tourner. Nous avons multiplié ces moments, pour saisir chez les comédiens des échanges pas préparés. Par exemple, les scènes de table sont des repas où les acteurs mangent véritablement, et à l’heure du déjeuner !
Le personnage de Mustapha est inspiré de l’histoire de votre frère. Celui de Ryad s’appuie-t-il sur celle Roschdy Zem ? Roschdy Zem : En partie, il possède des traits de ma personnalité qu’on a accentués. C’est une mise en abyme de mes travers. J’ai parfois le sentiment, comme lui, de n’avoir pas été assez présent pour mes proches…
Mustapha : En raison de son métier, Roschdy a très vite été mis à part, protégé de tout ce qui concerne la vie familiale. Il n’y est pour rien mais c’est comme ça. Son statut l’a un peu déconnecté de la réalité, et c’est peut-être ce qu’il a voulu exprimer dans ce film. Quand le drame survient, le personnage se remet en question par rapport à sa place dans la famille.
Outre la relation entre Moussa et Ryad, le reste de la famille est également très touchée par cet accident. Était-ce une façon de montrer l’évolution de notre société, et la place des jeunes générations ? Roschdy Zem : Il y a quelque chose de l’ordre de la transmission ici. Effectivement, les jeunes se sentent plus concernés. Je crois que ma génération les implique davantage. Ma famille a immigré en France, avec tout ce que cela suppose d’obstacles. On se rend compte que nous, les plus jeunes, avons été très protégés. Mais aujourd’hui, on leur explique tout, les moments de bonheur comme les plus difficiles.
Ce qui frappe aussi, c’est la simplicité avec laquelle la famille évolue malgré les conflits. S’agissait-il de traduire un amour éternel, sans condition ? Roschdy Zem : Oui, la vérité peut faire mal, mais elle nous aide aussi à grandir.
Mustapha Zem : Je n’ai pas délibérément choisi de dire la vérité suite à cet accident. Mais il y avait sûrement quelque chose de latent et d’enfoui en moi. Le prix à payer est très fort, vous ne voyez plus certains membres de votre famille… Mais, les retrouvailles sont d’autant plus intenses. Un drame est aussi là pour nous alerter sur la fragilité du monde. Mes enfants ont réalisé qu’ils auraient pu perdre leur père. Je mène désormais une vie plus équilibrée et saine. J’avais la sensation d’être vraiment aimé pour ce que je suis, avec mes forces, mes faiblesses, et d’arrêter de vouloir toujours donner le meilleur.
De Roschdy Zem, avec lui-même, Maïwenn, Sami Bouajila… en salle