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Ceci n’est pas un cliché

Charlotte Abramow - Absurde Censure, 2018, Paris © Charlotte Abramow

Après New York ou Paris, Charlotte Abramow est enfin prophète en son pays. La photographe présente sa toute première exposition monographique en Belgique. Révélée auprès du grand public avec son travail pour Angèle (sur l’album Brol), l’artiste croule depuis sous les demandes ! Au centre d’art le Hangar, à Bruxelles, on découvre ses portraits (Juliette Armanet, Rokhaya Diallo, Philippe Katerine, entre autres), ses vidéos mais aussi une oeuvre plus personnelle. Emplies de poésie et d’humour, ses images offrent un joyeux contrepied au mythe du corps féminin parfait.

L’exposition s’intitule Volle Petrol, comprenez “à toute vitesse”. Ce flandricisme sied assez bien à Charlotte Abramow, dont le parcours est du genre fulgurant. Depuis ses premières photographies prises à l’âge de sept ans avec un appareil jetable, jusqu’à ses portraits ou vidéos réalisées pour Angèle (La Loi de Murphy, Balance ton quoi), la Belge n’en finit plus de casser la baraque ! Toutefois, ce titre convient un peu moins à la visite. Plutôt que de se précipiter, il faut en effet prendre son temps pour savourer ses créations. Présentées au dernier étage du Hangar, sous une lumière naturelle zénithale, celles-ci témoignent des préoccupations féministes de l’artiste.

Drôles de dames

Ses modèles essentiellement féminins, souvent dénudés, parfois contraints dans des poses alambiquées, dézinguent bien des clichés. Ces corps sont par exemple voluptueux, n’occultant aucune imperfection, aucun bourrelet, à l’instar de la série 40 Mins of Anaïs (ou comment « transformer ce que la société dénigre en quelque chose de beau »). Ils sont aussi… vieux, tout simplement. Ainsi de cette photo de Claudette, une dame de 74 ans, rayonnante en tenue d’Eve, dans une touchante ode à l’acceptation de soi. « Sa joie de vivre nous montre que la beauté est intemporelle. Je voulais montrer un corps tel qu’il est, âgé, et qu’on n’a pas l’habitude de voir nu », commente la photographe, qui signe une oeuvre engagée donc, mais pas dénuée d’humour. Loin de là…

Rouge sur blanc, 2018, Paris © Charlotte Abramow

Rouge sur blanc, 2018, Paris © Charlotte Abramow

Retrouver la vulve

Épurées, colorées, les compositions de Charlotte Abramow se teintent de surréalisme et de dérision, dans les pas d’un certain Magritte. « C’est vrai, il m’inspire beaucoup. En une image il parvient à dire tellement de choses à la fois, télescopant des éléments qui n’étaient pas censés se rencontrer ». Cette influence s’incarne bien sûr dans ces spaghettis renversés sur la tête d’Angèle, ou encore dans cette jeune femme remplissant des verres à pied… avec ses seins. « J’avais envie de tourner en dérision l’hypersexualisation du corps féminin », sourit la Bruxelloise. Pourtant, parfois, c’est bien elle qui devient la victime de l’absurdité de ce bas monde. En 2018, elle réalise à la demande d’Universal Music un clip illustrant Les Passantes, une chanson de Brassens un peu oubliée, afin de lui offrir une seconde vie. Las, cette vidéo fut censurée par YouTube, au prétexte qu’elle montre des vulves métaphoriques, c’est-à-dire en forme de pétales de rose, de chewing-gums ou d’épluchures de carottes. La société évolue, certes, mais pas si vite qu’on le croit…


Œuvres commentées par Charlotte Abramow

Les Enveloppes : Guimauve (2016)

Les Enveloppes : Guimauve (2016)

Les Enveloppes : Guimauve (2016)

Pour cette photo, j’avais envie de détacher la nudité de son aspect charnel, afin de présenter le modèle comme une statue vivante. Je voulais montrer un corps moins normé, en tout cas qu’on n’a pas l’habitude de voir, et le ramener à quelque chose de plus naturel. De le contraindre pour le regarder avec bienveillance et curiosité, loin de tout jugement ou du prisme du désir. Les imperfections prennent alors une autre dimension. Les bourrelets deviennent comme des nuages, une de mes obsessions ! La peau ressemble un peu à de la guimauve. En s’attardant sur cette image, on a aussi l’impression d’observer un paysage vu du ciel.


Charlotte Abramow - This Is Not Consent, 2018, Paris © Charlotte Abramow

Charlotte Abramow – This Is Not Consent, 2018, Paris © Charlotte Abramow

This is not consent (2018)

Au départ, cette image a été réalisée dans le cadre du projet Find Your Clitoris, en 2017. Et puis je l’ai retravaillée suite à un évènement qui s’est déroulé en Irlande. En novembre 2018, un homme a été acquitté pour le viol d’une jeune fille de 17 ans. Lors du procès, son avocate avait brandi le string porté par la victime pour le présenter comme une preuve de son consentement. En réaction, des femmes du monde entier ont posté des photos de leurs sous-vêtements sous le hashtag “This is not consent”. Oui, les femmes devraient être libres de s’habiller comme elles le souhaitent. Ça semble logique, mais il semble nécessaire de le rappeler…

A LIRE ICI / L’INTERVIEW DE CHARLOTTE ABRAMOW

Charlotte Abramow devant Équilibre instable et jaune, 2014, Paris © Julien Damien

Charlotte Abramow devant
Équilibre instable et jaune, 2014, Paris © Julien Damien

Julien Damien // Photo : Charlotte Abramow - Absurde Censure, 2018, Paris © Charlotte Abramow
Informations
Bruxelles, Hangar
09.09.2022>17.12.2022mar > sam : 12h-18h, 7/5€ (gratuit –13 ans)
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