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Conte défait

© JHR Films

2069. Des soucoupes survolent le Portugal. Sur son lit de mort, un prince fortement ballonné se souvient de sa jeunesse. Présenté par João Pedro Rodrigues comme une « fantaisie », Feu follet mêle les genres, de la science-fiction à la comédie musicale, pour offrir une jouissive transfiguration de la réalité.

Alors que le feu dévore une fois encore les forêts de son pays, le jeune prince Alfredo s’engage comme pompier volontaire. À la caserne, il rencontre Alfonso, homme noir originaire de l’ancien empire colonial. Convoquant l’imaginaire du conte, Feu follet démythifie le grand récit national par sa description satirique de l’aristocratie – la mère d’Alfredo lui ordonne de ne pas se comporter comme un « républicain » ou un « castillan ». Mais c’est surtout dans sa représentation du désir que le film se fait le plus joyeux et corrosif. Une séquence montre ainsi les deux garçons s’étreindre entre les pins tout en s’insultant, l’un d’« esclavagiste » et l’autre de « brachycéphale ». L’attirance se dévoile alors dans toute sa violence, fruit d’une domination que la sexualité dénaturalise par le jeu et l’excès comique. Un autre moment délicieux suggère qu’il faudra un investissement libidinal renouvelé pour mieux protéger les arbres. En à peine plus d’une heure, le réalisateur de Mourir comme un homme (2009) parvient ainsi à nouer les questions les plus urgentes, du péril écologique aux conséquences sociales et intimes de la colonisation. Et prouve, une fois de plus, que le cinéma portugais est l’un des plus vivaces en Europe.

Raphaël Nieuwjaer // Photo © JHR Films

De João Pedro Rodrigues, avec Mauro Costa, André Cabral, Margarida Vila-Nova… Sortie le 14.09

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