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Le chapelier fou

©Stephen Papandropoulos

Il a vendu des couvre-chefs à Madonna, Mickey Rourke, Blondie, Harrison Ford et moult têtes couronnées. Il a aussi collaboré avec Chanel, Ann Demeulemeester, Thierry Mugler, ouvert des boutiques dans le monde entier… Bref, vous l’aurez compris, Elvis Pompilio est un chapelier très couru, sans nul doute le plus fameux du royaume. À Lille, Artchives, nouveau lieu mêlant gastronomie, cocktails et art contemporain, consacre à ce créateur belge une rétrospective baptisée Identité.s et… décoiffante, forcément.

Ici des casquettes évoquant la porcelaine de Desvres, là un chapeau de cow-boy constitué d’éclats de miroir (idéal pour briller sur le dancefloor), plus loin un bonnet en forme de pull ou encore un bibi recouvert… de moules ? Eh oui. Depuis 35 ans, Elvis Pompilio se joue des codes de la mode, à travers des pièces uniques et pleines de fantaisie. Extravagantes ? « Je dirais originales mais pas trop, car toutes mes créations peuvent se porter, ce ne sont pas des sculptures », insiste le Liégeois. Des couvre-chefs assez fous, en tout cas, pour séduire de prestigieux clients. Madonna bichonne son chapeau de cowboy en feutre à imprimés léopard, acheté durant la période Music, quand Amélie Nothomb s’affiche systématiquement avec son fameux haut-de-forme “diabolo”.

Pourtant, la première production du Belge est plutôt sobre : une simple casquette. Celle-ci date de 1986, mais reste un classique. « À l’époque je travaillais chez une dame qui confectionnait des chapeaux pour le théâtre, se souvient l’artiste. Un jour, je lui ait dit que je voulais façonner une casquette d’une seule pièce. Elle m’a répondu que c’était impossible, qu’il fallait réaliser le calot et la visière séparément. J’ai alors sculpté un moule en bois pour obtenir une forme unique… et j’ai réussi. Depuis, je procède toujours de cette façon ». Ainsi va Elvis Pompilio : sans tenir compte des formes préexistantes («  sinon c’est de la triche ! »), toujours à l’avant-garde et à contre-courant.

Retour à l’essentiel

Ancien punk passé par l’Institut de la construction, des arts décoratifs et industriels de Liège, ce fils d’immigrés italiens venus en Belgique pour travailler dans les mines a débuté en même temps que les fameux “Six d’Anvers”. « La mode était alors omniprésente, mais il manquait quelque chose : l’accessoire ». Un vide qu’Elvis Pompilio s’emploiera à combler toute sa vie, ouvrant des boutiques un peu partout, du Japon aux États-Unis, vendant jusqu’à 30 000 chapeaux par an. En 2002, il décida de tout fermer pour se concentrer sur son showroom, à Bruxelles, et laisser libre cours à son imagination. À Lille, Artchives lui consacre sa toute première rétrospective. Au sein de ce bâtiment de 1 700 m 2 (les anciens locaux des archives départementales) et sur trois niveaux sont exposées plus de 200 œuvres, toutes à vendre, et pour beaucoup inédites. Enfin, presque… « Au moment de préparer l’exposition, j’ai réalisé qu’il ne me restait plus grand-chose en réserve… J’ai donc recréé pas mal de pièces à l’identique ! » Chapeau bas.


Œuvres commentées par Elvis Pompilio

Chapeaux en jean

(c) Julien Damien

(c) Julien Damien

« J’ai horreur de jeter. J’ai toujours recyclé, bien avant la mode de l’upy- cycling car j’ai débuté sans argent. Les belles matières étant trop chères j’achetais d’anciens vêtements que je découpais. Aujourd’hui, je travaille encore comme ça. Là, j’ai conçu des chapeaux à partir de vieux jeans récupérés chez des amis ou dans mon dressing. J’y ai ciselé des bandes, je les ai tricotées pour ici façonner une rose, là des oreilles de lapin… J’aime créer avec presque rien, même si ça m’a demandé pas mal de boulot ! Ces pièces sont uniques car imparfaites, on voit la main à l’œuvre derrière, dans les coutures, c’est un travail d’artisan ».

Chapeaux moules

(cJ Julien Damien

(cJ Julien Damien

En déambulant dans les étages d’Artchives, on découvre quelques chapeaux melons “oversize”, clin d’œil évident à un célèbre artiste belge : Magritte. Mais la série la plus audacieuse demeure peut-être cette quarantaine de couvre-chefs… en moules. « C’est mon hommage à Marcel Broodthaers et à son œuvre Surface de moules, mais aussi à la Belgique en général et aux gens qui aiment manger », sourit Elvis Pompilio. Ces canotiers, chapeaux haut de forme, de cowboy ou (bien sûr) de pêcheurs sont recouverts de véritables coquilles du fameux mollusque bivalve, qui ont ensuite été peintes en noir, à la bombe. À déguster… avec les yeux.

Julien Damien ©Stephen Papandropoulos

IDENTITÉ.S

Lille, jusqu’au 12.06, Artchives gratuit, artchives.eu

ARTCHIVES Lille

74 rue Jacquemars Giélée, mar & mer : 11h-01h • jeu, ven & sam: 11h-02h • dim : 14h-21h (+ restaurant : mar > sam : 12h-14h & 19h-21h)

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