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Chimère nature

Nanitos, Jean-François Fourtou © Maxime Dufour photographies

Après s’être lancé à la conquête de l’Eldorado, en 2019, lille3000 inaugure sa sixième édition thématique, et nous invite cette fois à repenser notre rapport à la nature et au vivant. Durant six mois, la métropole lilloise et ses 95 communes accueillent des artistes du monde entier, se métamorphosant ici en jardin d’Eden, là en forêt magique, pour stimuler notre imagination et l’action écologiste. À l’heure du bouleversement climatique et d’enjeux environnementaux de plus en plus prégnants, il s’agit là d’inventer le monde de demain, tout en s’émerveillant.

C’est un rendez-vous désormais très attendu dans le nord de la France – et bien au-delà. Capitale européenne de la culture en 2004, Lille vibre depuis lors au rythme d’un événement artistique et festif unique dans l’Hexagone (environ tous les trois ans), mêlant grands cycles d’expositions, spectacles vivants, projets participatifs… « Oui, c’est un peu ovni dans le paysage culturel national », s’enthousiasme Caroline Carton, responsable des arts visuels à lille3000. Et qui dit ovni dit ?… petits hommes verts, pardi ! Enfin, ceux façonnés par Kim Simonsson culminent tout de même à cinq mètres de haut… Entre autres métamorphoses urbaines jalonnant la ville, ce Finlandais dévoile sur la “Rambla”, rue Faidherbe, ses fameux Moss People, soit des sculptures représentant des enfants couverts de mousse verte, comme s’ils ne faisaient plus qu’un avec le monde végétal. Spécialement déclinés dans un format XXL pour l’occasion, ces personnages dignes d’un conte de fées illustrent parfaitement la thématique défendue dans la métropole lilloise durant six mois.

The doctor, 2021 © Kim Simonsson

The doctor, 2021 © Kim Simonsson

L’enfance de l’art

Baptisée Utopia, cette sixième édition s’intéresse en effet aux liens qui unissent l’être humain à la nature. Il s’agit « d’éveiller les consciences grâce à l’art et à la création », selon la maire de Lille, Martine Aubry. Les artistes n’ont pas été choisis pas hasard, démontrant tous un engagement certain. « Il faut aussi qu’ils nous racontent une histoire pour que le public apprécie pleinement leurs oeuvres », poursuit Caroline Carton, pour qui cette grand fête artistique doit être avant tout synonyme d’« émerveillement ».

Parmi les chocs esthétiques promis dans le Nord, citons Les Vivants, exposition organisée au Tripostal invitant à décaler notre regard anthropocentré, tandis qu’à la Gare Saint Sauveur, on joue plutôt la carte de la dystopie avec des installations souvent monumentales, annonçant l’avènement du “Novacène”, nouvelle ère qui doit succéder à l’Anthropocène (période caractérisée par les effets de l’activité humaine sur la planète). Ce squelette de chien se tenant debout, comme un humain, censé avoir été retrouvé des siècles après notre époque, n’augure ainsi rien de bon quant à notre avenir… Un peu secoués par cette projection, on pourra toujours se requinquer dans le labyrinthe de fleurs lumineuses conçu par la Portugaise Joana Vasconcelos, transformant la maison Folie Wazemmes en Jardin d’Eden. Ou alors se réfugier dans la Maison du Maxitos que Jean-François Fourtou a posée sur l’îlot Comtesse. Soit un espace où la taille des objets et du mobilier a été démultipliée, nous renvoyant illico en enfance, âge propice à toutes les utopies…


Fête d’ouverture

« Depuis 2004 et le Bal Blanc, nous sommes très attendus sur ce sujet », sourit Charles Bonduaeux, chargé de coordination à lille3000, qui précise : « cette année, nous organisons une fête majestueuse, pas simplement une parade ». Le programme s’étale de midi à minuit, en particulier dans trois zones : les parcs Matisse et François Mitterrand accueillent concerts et happenings, le square Foch prend des allures de guinguette quand la Grand’Place nous téléporte dans Alice au Pays des Merveilles, sous la baguette d’Art Point M. À partir de 19h30, la grande parade s’élance du pont Le Corbusier avec ses chars, gonflables représentant des animaux chimériques et ses 300 participants habillés des ponchos de Tom Van der Borght. Lauréat du prix mode du Festival de Hyères, en 2020, ce créateur belge s’est fait connaître avec des vêtements composés de matériaux recyclés. Il donne le ton de cette thématique, entre audace et respect de l’environnement. Pour le reste ? Vous avez quartier libre.

>> Lille, 14.05, dès 12h, divers lieux


Jean-François Fourtou

Ce sont de petits personnages à tête de légumes. La légende dit qu’ils vivent sous terre et poussent dans les potagers avant de devenir de sacrés jardiniers. Sortis de l’imagination de Jean-François Fourtou, ces petits êtres hybrides (appelés “Nanitos” ou “Minitos”, selon leur taille) s’épanouissent un peu partout dans la métropole. En regardant bien, vous en croiserez du côté de l’Hospice Comtesse…

>> Lille, musée de l’Hospice Comtesse


Joana Vasconcelos

© Joana Vasconcelos, Valkyries

© Joana Vasconcelos, Valkyries

Première femme à exposer au Château de Versailles, cette artiste portugaise s’est révélée avec ses Valkyries, soit de gigantesques sculptures gonflables qu’elle habille de broderies, soieries, paillettes, fleurs ou perles. Elle a installé une de ces oeuvres tentaculaires dans la Gare Lille Flandres et une autre à la maison Folie Wazemmes – où l’on découvrira aussi sa monumentale théière en fer forgé et habillée de jasmin.

>> Lille, Gare Lille Flandres & maison Folie Wazemmes


Les Vivants

Tony Oursler, Mirror Maze (Dead Eyes Live), 2003

Tony Oursler, Mirror Maze (Dead Eyes Live), 2003

Monté par la Fondation Cartier, ce parcours nous invite à réinventer une nouvelle cohabitation avec la faune et la flore, à l’instar du Grand orchestre des animaux de Bernie Krause. Ce bioacousticien a passé 50 ans à enregistrer les sons de la nature. Cette installation nous immerge littéralement dans ce chant produit par des espèces, qui pour beaucoup ont disparu… À découvrir aussi, les oeuvres d’artistes amérindiens (et un peu chamanes) encore jamais vues sous nos latitudes.

>> Lille, Tripostal

Julien Damien / Photo : Nanitos, Jean-François Fourtou © Maxime Dufour photographies
Informations
Lille, Métropole Lilloise
14.05.2022>02.10.2022
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