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Microtronics, Mother is the Milky Way et BBC Maida Vale Sessions

(Warp Records)
Broadcast Mother Is The Milky Way

Onze ans après la disparition tragique de Trish Keenan, âme et voix blanche de Broadcast, son compagnon et complice James Cargill entretient le mythe et l’héritage de la formation à travers des rééditions soignées. Aujourd’hui paraissent quelques raretés, composées de sessions légendaires à l’usage de tous et de sorties plus confidentielles réservées (?) aux fanatiques de la formation – mais les néophytes pourraient y trouver leur compte.

Au milieu de années 1990, dans la grisaille de Birmingham (patrie des métallurgistes de Black Sabbath, mais aussi des joailliers de Felt), la chanteuse Trish Keenan, le guitariste Tim Felton, le bassiste James Cargill, le claviériste Roj Stevens et le batteur Steve Perkins, se réunissaient autour d’une passion commune pour The United States of America, formation psychédélique… américaine et, hélas, peu célébrée aujourd’hui. Les cinq jeunes gens cultivaient également un certain goût pour le psychédélisme anglais, l’art du collage et une mélancolie toute britannique, partagée par leurs aînés, de Ray Davies à Syd Barrett. À l’époque sévit une autre formation franco-britannique ayant fait le choix du rétrofuturisme : Stereolab. Sorte de cousins exubérants de Broadcast, ils publient les premiers EP des reclus de Birmingham, avant de les voir s’envoler chez Warp, où le groupe restera. Et c’est là, à l’ombre de laborantins fêlés (Aphex Twin, Autechre, on en passe) que Broadcast développera ses comptines spatiales et pastorales, où le stroboscope le dispute au strabisme : un œil devant, l’autre derrière.

La salle des machines

Car Broadcast ne s’est pas contenté de rejouer le psychédélisme d’autrefois, bien au contraire ! En témoignent Microtronics Vol.1 & 2 : soit 21 ébauches et esquisses dénuées de titre, durant à peine plus de deux minutes, et dévoilant le groupe au travail, jouant avec le minimalisme, le bruit, bidouillant les Groovebox comme un gamin démonterait un jouet. Pas forcément la plus accessible des œuvres de la bande, la présentation de ces balbutiements et expériences ouvre la porte des coulisses, de la salle des machines de cette foire aux merveilles. Seconde sortie, Mother is the Milky Way s’approche peu ou prou du Broadcast “classique”, remplie d’étranges comptines parasitées par diverses sources sonores – après tout, la bande a jeté les bases de l’hauntologic pop, ce sous-courant qui doit son nom à un concept de Jacques Derrida (l’hantologie) et dont les fers de lance, le label Ghost Box en tête, ont toujours clamé le tribut dû à Broadcast. On se délecte donc de ces quelques morceaux et l’on s’étrangle en apprenant que ce disque fut tiré à… 750 exemplaires seulement et uniquement vendu en concert – les absents ont toujours tort, c’est vrai. Enfin, les BBC Maida Vale Sessions regroupent plusieurs showcases donnés pour le Service public de radiodiffusion britannique, invités par le regretté John Peel. Ici, se donne à entendre, entre 1996 et 2003, le parcours d’un groupe singulier, confidentiel, mais dont l’influence et l’aura ne cessent de grandir. Des rééditions indispensables donc, en espérant que James Cargill ait encore d’autres enregistrements de ce niveau dans ses tiroirs…

Thibaut Allemand
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